Petite fable affable
Librement inspirée de J.-P. Claris de Florian (1755-1794)
Vite lassée de la volière à poulaille,
Une poulette, coquette caquetant,
- Ainsi déraisonnent les jeunes volailles -
Voulut voir le monde et tous ses habitants.
Oubliant qu’ils ont litière et font ripaille,
Combien d’oisons qui ont le cul dans la paille
Sont blasés de tout ? Ne sont jamais contents ?
Ce sont là des maux communs dans la marmaille !
Un jour, elle quitte donc mère et compagnes
Pour courir les chemins, explorer les bois
Et se perd, avant la nuit, dans la campagne.
Alors que le vent soufflait dans son hautbois,
Elle guettait les ombres qui accompagnent
Et chevillent vos pas quand la peur vous gagne.
Le cœur tout en déroute et l’œil aux abois,
Elle regrettait, là, sa vie de cocagne.
Elle sent, elle sait son heure dernière
Quand soudain surgit un roux renard.
Car là, seule, dessous la lune plénière,
Point d’issue ni de salut : l’endroit peinard.
Sans faire plus de bruit ni plus de manière,
Un autre renard sortit de sa tanière
Et mit vite en fuite l’auteur du traquenard.
La voilà qui tombe dans une autre ornière !
« Pardonne à mon frère de sang : il est jeune
Et se moque bien de sa réputation.
De tant d’innocentes pécores il déjeûne !…
Je n’ai plus, pour ma part, cette tentation.
Je ne nie pas que, moi-même, étant plus jeune…
Mais l’âge venant, je me suis astreint au jeûne
Et à redorer le blason de notre Nation.
Eh, Dame Nature offre tant que je ne…
- Merci de votre aide et bonté, Noble sire !…
Perdue, j’ai craint d’ouïr là mon oraison !
- Point de peurs !… Ayant tout mon temps - plus qu’un Sire ! -
Je vais te raccompagner à ta maison.
Ces bois ne sont pas sûrs et, blanche comme cire,
Tu fais une proie bien facile à occire.
- Oh merci, Monsieur… C’est vrai : ces frondaisons…
Je vous sais gré d’avoir si bon cœur, Messire ! »
Et voilà donc comment voguent de conserve,
Et conversent en frères, ce vieux renard
Et notre oiselle vers cette terre serve
Où elle naquit, au milieu des canards.
Elle rejoignit ainsi ses sœurs qui observent,
Avec peur, leur maître aimant qu’on les lui serve.
Ainsi entre au poulailler le vieux renard
Avec sa poule, cicérone sans réserve.
Le jeune renard se joint à eux. Maléfice !
Les rouquins donnent alors leur récital,
Faisant en ce bercail un grand sacrifice :
Nul poussin ne sauva son souffle vital,
Puis la poulette mourut sans artifice.
Le vieux renard dit : « Mon fils, dans ton office,
Souviens-toi : ne mange jamais ton capital
Avant d’en avoir tiré tous bénéfices ! »
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