Petite fable affable
Finit de fleureter ou de coqueter,
Patinages, pucelages, pelotages,…
Don Juan est las de se dépieuter
Pour coucher avec tous les cœurs otages
Des donzelles ou des rosières mal lardées,…
Qui, ayant déjà donné leur cœur, s’engagent
À ce que le reste suive sans tarder.
Notre galant avait connu, sans être à gages,
Toutes les coquettes à couettes fardées
De ses Espagne,
Ville et campagnes.
« J’en ai assez, vois-tu, de coqueliquer
Fit-il à Catalinón, son Sganarelle,
Dès que le coq, matin, a coqueriqué
Au prix de menues menées de maquerelle.
- Mais faire, ici et là, la bête à deux dos
Ou voir la feuille à l’envers dessous les hêtres,
Avec la pimpéousée s’offrant, cadeau
À vos menteries d’amants, je crois, mon maître,
Ce n’est que répondre, souvent rapido,
À leurs attentes :
La chose tente !
- Celui qui croit qu’aimer avec feu et flammes,
Plus des soupirs pour les attiser, fait rajah
Le pourceau qui ne ménage point son âme,
Voit miroir aux alouettes de goujat !
- Seriez-vous devenu prude ou censeur ?
- Autant qu’une veille catin, mon brave !
- Vous voir virer pudibond, vous si noceur,
Ou chaste, m’eût interdit et rendu hâve,
Moi, conteur et compteur, un brin jouisseur,
De vos campagnes,
De vos compagnes…
- En prenant le parti de n’en devenir
Jamais un bon, je ne suis que vénielles
Pensées, manœuvre ou manigance à honnnir,…
- Est-ce vieillir qui vous fait l’humeur plurielle ?
- Le temps est tout en nuances, mon valet,
L’âge tout en nuisances : hélas, il donne
Plus de vertus détestables, aigrelet,
Que de vices aimables, mais pardonne
À Ton maître, ce soir, de tout déballer
De ses balafres
Et de ses affres !
- Maître, qui s’épanche trop risque de choir !
- Tu as raison : de nos jours, peu de gens osent
Avancer qu’ils reculent. Peur de déchoir ?
Moi je revois mes positions et je glose,
Sans m’effacer devant les gommeux voulant
Me renvoyer à mon passé, sur la route
Que je vais prendre demain, non comme un croulant,
Mais en homme débarrassé de ses doutes :
Un vieux beau est plus ridicule, au bilan,
Qu’un jeune sage !
- Ou un corps sage !
- Pucelles me saoulant sans, las, me griser
Ni m’énivrer ; épouses qui, à leur guise
Croyant, un temps, leur plaisir dépayser,
M’assiègeant, vaincues, car je les ai conquises
Me lassent pareillement !… Les laiderons,
Mal aimées et, souvent, cruelle injustice,
Mal baisées ont mêmes désirs que tendrons !
Je répare mes anciens torts, préjudice
À ces beautés ignorées, tous ces fleurons
Boutons de femme,
Fille comme Dame.
- Mais Dieu, vous êtes Don Juan. Pincez-moi !
Pensez à votre réputation, à la mienne,
Moi, votre ombre : vous n’avez guère eu d’émoi
Que pour les plus belles, nobles, plébéiennes,…
Elle font et feront vos nom et renoms !
- Mais une jolie fille que l’on repousse
Trouvera toujours pour la consoler d’un « non »
Quelqu’un. Dût-elle en rester l’âme aigre-douce.
Mais celle aux moindres appâts ou la guenon
Qui la regarde,
Qui y prend garde ?
- On dira que votre vue baisse et, aussi,
Le reste. Et pourquoi pas des filles faciles ?!
- Crois-tu que moindres beautés seraient ramassis
Qui ne se courtise pas, soumis, docile,… ?
Dieu voudrait, dit-on, me punir : Don Juan
S’amende en aimant, parmi ses créatures,
Les moins réussies, qu’un croyant va fuyant
Dépitant son Créateur par tant d’étroiture.
Ce n’est pas là la promesse d’un truand
Ou vain ramage,
Mais humble hommage :
Car à mon avis,
Une vie toute asservie à une envie,
Sera une vie
Qui aura, las, fort peu et bien mal servi ! »
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