D’après un travail de Camille Lesterle
Oui, le crapaud dans mon jardin enterré
Attend la nuit où il pourra, atterré,
Loin des grands marais blafards qu’à peine rident
Des souffles frais et tendres que la nuit bride,
Sortir d’un sommeil qui ne fait pas dîner
Et le bout du nez qu’il a bien boudiné.
Il converse son saoul avec la limace
Ou Madame coccinelle qui grimace
Pourtant de le voir aussi laid et si gros,
Entre carottes, choux, navets et poireaux ;
Lui qui vous cause comme de plus grands meuglent,
Lui qu’un tout petit rayon de lune aveugle.
Et le crapaud dans mon jardin enterré,
Couché auprès de la couleuvre terrée,
Ira, sous les lueurs de Phoebe qui bulle
Se griser, là, d’une aile de libellule,
Vendre ici, sans envol, sa prose à des vers,
À des escargots dévorant du vert,
Faisant, pour manger, du cloporte à porte.
Il vit de l’air du temps mais, alors, qu’importe…
La nuit il revit quand, sous l’astre sans or,
Le monde du grand jour qui le hait s’endort.
Heureux, parmi les oignons et les salades,
Sans peur des oies ou des gnons, il se balade.
Car ce terreux, peureux, pour se déterrer,
Attend donc patiemment, mais sans trop errer,
Cette heure où la lune au grand marais se couche
Sans se noyer, où se taisent enfin mouches
Et moustiques partis, au soir, rêvasser.
Quand il en aura assez de coasser
Et de sautiller, de pierre en pierre,
Il ira retrouver à deux bonds du lierre
Son trou que cachait bien un amandouvier.
Le matin aura, las, son nom oublié
Quand il perlera de rosée l’herbe verte ;
Il ne connaîtra que calme et ombrée, certes…
Illustration : Camille Lesterle, octobre 2014
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