Petite fable affable d'après une travail de Camille Lesterle
Un dalmatien qu’un rien apeure
Nichait en riche demeure,
Celle d’un collectionneur d’art.
Ce chien passait pour couard,
Était la risée de sa race,
Car ne voulant laisser ni trace
Ni faire ici de mécontent,
Funeste erreur, suprême horreur,
Sur toute question, en tout temps,
La lippe lasse et l’œil pleureur,
Il choisissait de rester neutre.
Bref, c’était un lâche et un pleutre.
Ne prenant parti pour rien,
Il était tranquille et bien,
Ce chien, même pas de garde,
Qui, malin, les mouches regarde.
Pis, il faisait tapisserie,
Sans un ri ni grimacerie,
Devant une très grande toile
Semblable à son poil noir et blanc :
À tous les regards, elle voile
Et dérobe de but en blanc
Son grand corps tout en muscles, ferme ;
Il se fond au décor à terme.
Il était donc toujours dolent,
Serein et quand quelque insolent
Le prenait à partie, silence
Et mutisme lui étaient lances.
À vouloir se faire oublier,
Au tableau sans laisse lié,
On l’oublia sans autre forme
De procès, si bien qu’un jour
Il se figea net en sa forme.
Face à sa toile, il est toujours,
Statufié, dur comme lauze,
Là où sa vie était enclose.
À ne pas vouloir réfléchir
Et à ne pas vouloir choisir
Au mieux on est immobile
Au pire, on est écartelé…
Et si on vit, c’est vie débile :
On n’existe plus, entoilé !
Illustration : Camille Lesterle, décembre 2014
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