Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 11 septembre 2016

PAYS SAGE

Au dormant de ce fleuve, il me souvient
D’un pays où plus jamais je ne viens,
Toute la poussière de mes rêves 
Anciens, las, y collent à ma peau,
Elle donne à ce lieu toute sa sève.
Ce matin j’y porte mes pas, crapaud,
Pour y passer quelques minutes brèves,
Les souvenirs soudés aux souliers,
Pour ôter quelques grains au sablier.

On trouve là un village écrasé
De chaleur, des jalousies à croisées
Et des persiennes, paupières
Mi-closes sur des façades chaulées,
Comme si dans la fournaise, pierres
Et longs murs s’étaient fondus, enrôlés
De concert pour, l’âme pure et fière,
 La repousser au ciel toujours bleu,
D’un bleu brûlant, azur miraculeux.

Des éclats d’ombre, en grains de grenat,
Tiédissent l’éclat tout incarnat
Des géraniums tombants qui sommeillent
Dans des patios faits pour héberger
Des grenadiers aux verts qui réveillent,
Des orangers arrangés en rangées
Dessous des draps tendus, dessous des treilles
De vigne aux grappes pendues et charnues
Appelant la main de qui est  venu.

Dans des rues tout aveuglées de clarté,
Des fontaines attiédies où, bonté
Divine, le reflet des fleurs invite
Pensers et songes à arrêter le temps.
Des vieux obséquieux cueillent vite,
Des feuilles à l’agonie depuis longtemps
Une femme affligée, forme en fuite,
Blessée, passe et refuse d’être vue
Lassée d’espérances, mise au rebut,…

Le fil du temps passé au chas, ici,
Des aiguilles d’horloge en sursis
Ne cousent que des repos, des silences,
Au pas d’un sombre curé marmonnant, 
De grenouilles en deuil au cuir rance,
Bigotes marmottant et sermonnant.
Pourtant partout il n’est, sans éloquence, 
Que portes ouvertes et clefs au clou 
Et au cou du clou quelques poils de loup.

Le vent furtif, en scie se fait soupir.
Nul ne va, d’un pas hâtif, se tapir
Dans le grand secret de sa chaumière,
Au calme frais de son passé, muet 
Sur l’avenir : les us coutumières
Veulent parole rare et mot fluet
Lapés à des lampées de lumière.
M’endormant près du fleuve, il me revient
Ce pays d’où mon nom, dit-on, vient…

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