Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 17 mars 2020

DE LA TROUILLE À LA TRANSE

Petite fable affable

Un mal inconnu ravagea un bout du monde
Et vint, hélas, frapper aux portes du pays.
Notre village, échappant encore à la ronde
Du temps, fort loin de tout, s’en croyait à l’abri.
Funeste erreur. Car, de nos jours, les mots voyagent
Plus vitre encore que le pire de nos maux.
On se rappela lors pestes du Moyen-âge,
Choléras d’hier, neuves grippes d’animaux,…
Radios, télé en rajoutaient à la somme.
Pour le curé c’était divine punition ;
Restait à savoir de quel péché car l’Homme
A tant à se reprocher entre vices et passions.

On hésita, de l’horreur à l’inquiétude.
Après le dédain vint la crainte. Prés et champs,
Vergers et vignes on bouda car, c’est l’hébétude,
L’air ou l’eau étaient du mal les vecteurs méchants.

Le maire demanda de raison garder mais plèbe
Vit l’émotion gagner : échoppes on déserta
Et boutiques on évita. Même les fils de glèbe
Boudèrent le café et les taratatas :
L’anxiété était devenue, pour tous, angoisse.
Le régent expliqua le cas. Démentit le faux, 
Montra le vrai. En assemblée. Poisse des poisses,
Il colla frousse et donna frissons car « il me faut
Avouer qu’il est des choses que la science ignore ! »
Le docteur allait dans sons sens sans s’en cacher.
C’est que c’était, c’est sûr de sûr, plus grave encore
Qu’on ne le disait partout : on va tous calancher !

L’école se vida. Les esprits se troublèrent.
On fuyait “l’Autre” et la rue. On s’épouvantait
De on-dits et on cauchemardait, pauvres hères,
 Sur des “possibles” ; on s’effrayait, comme hantés,
 De “probables”. Le Mal faisait pétaudière !

Parce que nul au village n’était contaminé
On s’affola. C’était suspect : on cloitra portes
Et fenêtres « ’Faut pas nous embabouiner ! »
On se barricada de la pire des sortes :
Même aux amis. Même aux voisins. Même aux parents.
On vécut sur les réserves et dans ce vertige
De panique. Bien avant le bout de l’an,
On les épuisa. Et on défuncta, dans les vestiges
D’une vie qui n'en était plus une, au chaud
D’un lit, transpirant de male peur dans les affres,
Non de la torpeur, mais d’une faim de cachot.
Un comble dans un pays de bons gouliafres !

Aux bourgs d’alentour, lors de cette épidémie,
Un décès ou deux conduisirent aux larmes :
Des vieillardissimes mal allants, à demi
En tombe depuis lurette, ont rendu les armes !

Quelle leçon tirer d’un bourg où on mourut
Par crainte de la mort ? Que la peur du mal fait
Plus de dégâts, très souvent, que le plus ventru
De tous les maux quels que soient ses cruels méfaits…

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