Petite fable affable
Fraîche comme gardon et bondissant comme carpe,
Une truite se refuse à se faire embrocher.
Comprenez qu’elle ne veut frayer ni écouter les harpes
Des poissonnes amours hantant algues et rochers.
Pour les siens elle s’assote, là, à attendre
Le grand Amour qui sous nos eaux quiert son congé
Plus souvent qu’il ne vient, se parant pis que sandre
De dragonne vertu à faire verdir un rouget !
Quiconque lui conte fleurette sait la mésaise
Née de ses quolibets. L’écaillé de prime saut
Qui lui tendrait la perche, soit-il galant qui blaise
Où balèse causant serait soufleté comme un sot !
Qui veut là coqueliquer n’est pas à son affaire :
Il se fait vite que sans tant languir, on la fuit
Ce parangon-ci qui espère fort, tant qu’à faire,
L’omble chevalier qui fera ses déduits…
Mais, céans, notre modeste et décente truite
Fustige les inconstantes et les volages, qui giron
Bénin et tétin accort, ne mettent en fuite
Coquets et libertins frétillant de l’aileron…
Et puis, Jour de Dieu !, c’est la vieillesse
Qui attrapa notre belle laquelle, alors, comprit
Que s’enfuyaient ses espoirs avec sa joliesse
Lui offrant la solitude pour premier prix.
Alors elle, elle devint à tout mâle déférente
Jusqu’à la bassesse, et même soumise jusqu’à
La servilité, frivole et jamais indifférente
Aux cajoleurs et sans tirer le moindre ducat.
Il en est ainsi qu’à vouloir, à toute pogne et en rogne,
Se montrant plus qu’exemplaire au monde comme à soi,
Pour vertu garder on finit, souvent sans vergogne,
Dans ce vice qu’on évitait plus que dans la soie.
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