Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 9 mars 2022

L’HONNEUR D’UN MINISTRE

Petite fable affable

Dans un monde neuf et sous un ciel naissant,
Quelques ânes de Provence allaient paissant.
L’air grave, dit-on, ils n’ont pas le mérite
Du discernement ni de l’entendement,
Et du beau nom de « ministres », évidemment,
On a baptisé ces humbles sybarites
Aussi fiers qu’oublieux : leurs qualités
Multiples confirment ce si beau sobriquet.

Matin, l’un d’eux se prend le crin en broussaille
Et brait au secours, fichant fort la pagaille
Dans sa pâture, affolant les animaux
D’alentour, les domestiques et les sauvages.

Plus curieux que peureux, un chevreuil
S’approche de celui qui, dans l’ombrage,
Crie sa détresse à défeuiller tout son breuil.

On ne sait comment il démêle et dépêtre
Le grison qui à remercier se prête.
Cet oreillard, flattant le brave cervidé,
Se perd en gratitude, on peut le cuider ;
Se dit lors son affidé de reconnaissantes
Bénédictions en mille jurements
D’assurés retours, de faire diligence
À l’obliger à son tour, assurément.

Et l’on se quitte sur ces bons mots amènes
D’amitié plus durable qu’ère romaine.
À peu de là, notre chevreuil fut coursé
Par des chasseurs voulant, las, se rembourser
De lupines rapines et prit donc la route
Du pâtis de nos ministres tant brouteurs
Pour y chercher asile ou mettre en déroute
Tous ces traqueurs et leurs chiens rabatteurs.

L’âne qui se disait son ami, naguère,
L’éconduit, allant aux siens, grégaire.
Ainsi périt qui prit un valet pour un as.

Garde-toi de ceux qui ne se souviennent
Des services qu’on leur rend, quoi qu’il advienne,
Que dans le bref temps qu’ils les reçoivent… hélas.

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