Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 9 février 2013

LE PLOUC & LES CITADINS

Petite fable affable… sur une idée de Françoise
Cycle pyrénéen

Un vieux paysan d’aïci se voit un couple
Qui pique-niquait, là, sans fard, dans son pré
Boire l'eau du ruisseau, les joues empourprées,
La main généreuse et le poignet souple.

Amicalement, il leur dit d’un seul trait :
« Boudu, bebetz pas aquela aiga
Que las bèstias i an cagat dedins*. Vrai ! »
En montrant ses brebis et ses agneaux.

L’homme, piqué au vif, d’un bond se redresse :
« Eh, Mon Brave, le Français ne serait-il
Pas encore arrivé sous ces cieux subtils ?
Non, je ne veux pas manger ces bougresses.
Je te les laisse à l’usage que tu en fais !…
Les bouseux du coin sont toujours stupéfaits
Que des gens civilisés ne s’adressent
À eux que dans une langue qui le soit…
Vous ignorez, aussi, ça irait de soi,
L’eau courante et vous chauffez à leur graisse.
Et votre bled, il a l’électricité ?
Est-elle sur la carte, cette “cité” ?…
Tous ces crottés qui, tout le jour, paressent
Et puent le “rural”, ils vous la jouent morveux,
Ayant toujours l’impression qu’on leur en veut…
Viens, on se tire puisqu’on nous en presse ! » 

Le berger, calme, reprit : « Non, justement,
Dans mon patois moins parlé que bêlé,
J’ai dit, faites excuses : “Buvez doucement,
Elle est froide !”, comme dit la télé ! ».

Il partit en riant, laissant les autres
Finir leur agreste repas à deux sous
Et boire au ruisseau malpropre tout leur saoul,
Pensant au mépris où certains se vautrent.

Ami d’ici, d’ailleurs, cuide à respecter
Tout autant ce que tu ne comprends pas
Que ce que tu connais, sans rien détracter,
Ou il t’en cuira,… en toute pampa !

* Mon Dieu, ne buvez pas de cette eau, les bêtes ont chié dedans.

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