Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 27 février 2013

LE COIFFEUR DU VILLAGE

Longue fable affable


Un jour, un vagabond de passage
Un vrai chemineau, sans feu ni lieu,
Pose un pied dans l’échoppe sans âge
D’un coiffeur ne valant guère mieux :
Amorçant sa vie en jeune con,
Il la finissait, com’ de raison,
En vieux et fort respectable sage.
Une fois crâne ras, le routier
Plonge la main droite dans sa poche.
Le merlan l’arrête : « Sans pitié
C’est gratuit pour toi, mon cher Gavroche,
Car c’est ma semaine de bonté ! »
L’autre partit, surpris, éhonté,
Allant traîner ailleurs ses galoches
Ses puces, ses poux, son baluchon,
Mardi matin, sur son pas de porte
Le coiffeur voit, le Diable l’emporte !,
Un sac de glandée pour son cochon.

Survient alors un de ces manœuvres,
Malheureux brassier sans faix ni laie,
Réclamant de ce coiffeur qu’il œuvre
À  rendre ses tifs moins longs et laids ;
Commençant sa vie sans un seul rond,
Il la continue, com’ de raison,
En faisant tout, oui, sauf la couleuvre.
Une fois coiffé, il veut payer.
L’autre refuse la moindre somme : 
« Vois, tu n’es même pas métayer,…
C’est ma semain’ de bonté, bonhomme ! »
Le bouseux, à qui personne, jamais,
N’avait donné mie à mettre en maie
En fut touché bien plus que d’un psaume.
Le Mercredi, le tiffeur trouva
Devant son huis assez de bois, Dame,
Pour faire à ses fils un trou-Madame
Et chauffer sa maison à tout va !

Peu après, un paysan des parages
Un de ces vilains sans faux ni lot,
Revenant de quelque pâturage,
Demande à ce testonneur, ballot,
S’il peut débroussailler, sans ambages,
Sa perruque et son bas de visage.
Notre barbier se met au boulot,
Rendant à la bonne tête un lustre
Qui, c’est sûr, n’avait jamais été :
Son reflet en effraya le rustre
Qui fut bien plus encore hébété
Quand notre pommadier, tout sourire,
Refuse sa monnaie pour lui dire :
« Non, c’est ma semaine de bonté ! ».
Les fruits d’une nocturne braconne
L’attendaient, à sa porte, au matin.
Il en fit, en famille, un festin
Qui l’égaya mieux  qu’une chaconne.

Le jeudi, arrive à la boutique
Le seigneur du lieu, homme sans foi,
Ni loi, quoique l’être, drolatique, 
Soit sans faim ni lin dessous son toit.
Traitant ce figaro comme un servile,
Il ordonne, la voix incivile,
Qu’on lui rafraîchisse de trois doigts
Son auguste et blonde chevelure…
Il œuvra. Surpris de ce parfait
Perruquier, le maître, plein d’allure,
Veut qu’on paye d’un sou le travail fait ! 
Or le coiffeur répond, non sans honte,
Qu’il ne peut accepter ce mécompte,
Sa s’maine de bonté, courant de fait.
Le lendemain, survient, dès l’aurore,
L’entour du châtelain, ton railleur,
Pour jouir là, comme Monseigneur,
D’un don gratuit dont ils rient encore…

 On a les dirigeants que l’on mérite…
Mais si ceux-ci ont moins de mérite
Que leur sujets, ils en ont bien plus
Que tous les gus, les olibrius
Parasites vivant dans leur ombre,
Sangsues des bontés du plus grand nombre.

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