Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 29 mars 2015

LA FIN DU MONDE

Petite fable affable

Cet homme-là aimait beaucoup la nature.
Preuve qu’il n’était guère rancunier
Car celle-ci, nul ne pouvait le nier,
Ne l’avait gâté ni du côté stature,
Ni pour les traits. Il ne prenait que peu l’air,
Avait peu d’esprit et encor’ moins de flair,
C’est pour cela qu’on l’appelait « pense bête »,
Mais lui croyait que l’on disait « panse bêtes »
Car il était, au village, le véto’,
Toujours couché tard et toujours levé tôt.

Il s’inquiétait de son corps, de son âme,

Du temps qui passe comme du temps qu’il fait,
Nous offrant, chagrin, un visage défait,
Superstitieux comme une bonne femme.
Il vivait moins bien que les animaux
Terrorisé par le moindre de ses maux.
En tout lieu, qu’il fasse bleu ou tempête,
Bonne nouvelle valait coup d’escopette
Pour le semoncer quand, écho en doublon,
Mauvaise nouvelle jouait du tromblon.

Mais lui, il craignait surtout la fin du monde,

L’apocalypse qui vous rend vil ou vain,
Alcoolique fou ou mortel écrivain,
À un âge où on a plutôt « faim du monde ».
 Certes, la mort, pour chacun est fait fatal
Mais lui n’avait goût à rien, le jour ermital,
La nuit morbide, il errait sur cette terre
Attendant qu’arrive la dernière ère :
Sa vie n’était que lente et longue agonie
Sans plaisir et sans désir, sinon ternis.

Ce brave homme, à tout bébé, à sa naissance,

Aurait voulu dire, pour ne pas déchoir :
« Toi qui viens, en quittant ton doux nichoir,
À la vie, abandonne toute espérance !* »
Un jour, le véto’, tout seul dans son séchoir,
Mourut effrayé par la venue du soir ;
Peurs et imagination en furent cause.
Pourquoi nous faudrait-il craindre quelque chose
Si tout ici bas est vraiment incertain** :
Profite, mon ami, de chaque matin !



* D’après Dante Alighieri (1265-1321), La divine comédie.
** D’après Solon (Athènes vers 640 av. J.-C. ; Chypre vers 558 av. J.-C)

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