Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 25 mars 2015

LE JUGE DÉJUGÉ

Petite fable affable

Chez certains Anciens Mexicains,
Ces diaboliques barbares qui, las, pratiquent
D’odieux sacrifices humains,
On amena au juge, en audience publique,
Un larron connu pour rusé,
Que le sien village accusait
D’avoir moissonner des épis chez sa voisine.
« Ce n’est pas contraire à nos mœurs :
Le Seigneur des Hommes veut, pour que l’on cousine
Avec le pauvre et le chômeur
Ou l’humble voyageur, partout, qu’on abandonne
Deux rangs de maïs de tout champ.
Votre voleur n’a rien pris que le Droit ne donne.

- Votre Excellence, ce méchant

A pris plus que besoin et sans raison valable.
- Qu’il le restitue ou le paie,
Puisqu’il n’est ni un gueux ni quelque pauvre diable.
- Ne lui reste que son toupet
Car il a tout vendu et bu son bénéfice.
- En ce cas, c’est d’un autre aloi :
Mise en esclavage pour rembourser d’office
La victime, ainsi dit la Loi.
Toutefois, aucun dieu n’aime ici qu’on s’enivre ;
Donc, c’est condamnation à mort. »
Cet arrêt prononcé, indigne hélas de vivre,
Le coupable subit son sort.

Chez certains Anciens Mexicains,

Satanés sauvages, bâtisseurs d’un royaume
Sans nos droit ni foi, ces faquins,
On mène le juge face au Seigneur des Hommes
Pour rendre compte du procès
Qui fut exprès et sans excès.
« N’est-il pas vrai, juge, que la mort fut sentence
Pour une rapine de grains ?
- L’ivresse, Majesté, est tare d’importance…
- La victime en eut peu de gain :
On dit que la plaignante était de ton village
Dont le Seigneur est tien cousin.
Or la femme spoliée fut mise en esclavage,

Juste après, par ses argousins

Ne pouvant, faute de grains, payer droits ni ferme.
Mais on dit qu’il la convoitait
Et que tu le savais… Je n’aime pas les termes
Usités pour m’en rapporter.
- Mon cousin est vôtre aussi et donc cette affaire…
- Tu as failli, il a triché.
N’ayant pas fait ce que vous vous deviez de faire
Vous serez, tous deux, écorchés.
La société est juste et bon le système
Quand les citoyens, à bon droit,
Obéissent à leurs magistrats et qu’eux-mêmes
Se plient, sans réserve, à la loi* ! »

Illustration : Élisa Satgé, décembre 2019



* D’après Solon.

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