Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 9 mai 2019

LES BÊTES & LE FABULISTE

Petite fable affable d’après L’âne & le fabuliste 
de (Jean-Baptiste-)Victor de Perrodil (1862)

« Depuis que j’ai bu l’onde chez votre La Fontaine,
Me dit un un gros Loup gris courant la prétentaine,
Vous ne m’épargnez guère vous et vos écrits :
Je ne suis plus qu’un ogre à fuir à grands cris.

- Et moi donc, fit un âne arrivant à l’improviste
Je passe pour sot à cause de fabulistes
Qui ne sachant rien de mes mœurs et de ma vie
Me voudraient bêta, me dénigrant à l’envie ! »

Puis ce furent l’oie et toute la cour de Sire
Coq qui, là, en vinrent à deux doigts de m’occire.
Plus je présentais de plates excuses à tous,
Plus il me venait de mécontents, de grognous
Chez ces animaux parmi lesquels je fais provende
D’acteurs pour mes apologues de contrebande.

 À la parfin, cerné de cent récriminants
Formant meute, de bestioles ruminant
Leur rancœur et l’herbe que je foulais, de fauves
Prêts à me courir sus, moi, les jambes en guimauve
Je ne sus que répliquer : « Vous donnant déjà
La parole, je ne vous savais, vrai goujat, 
Point aptes à lire mes petites mises en scène,
Ces contes où vous n’apparaissez point tant obscènes
Que les humains que je fais moins blancs que bichons.

- Ah ça, c’est à voir ! grogna le cochon rochon.

- N’étant point un de nos savants naturalistes,
Je suis obligé, quand je choisis sur ma liste,
De vous attribuer les caractère et traits
Qui font votre réputation, votre attrait,…

- C’est comme cela que se perpétuent mensonges
Et préjugés, me fit un renard. Mais j’y songe :
Si tu as pour règle de réhabiliter,
Désormais, l’ami, nos us au lieu d’habiter
Les lieux communs peut-être que, sans courbette,…

- Je n’y gagnerai rien. Et vous pas plus, bêtes !
Le public déçu vous enterrerait, passés
De mode, parasites bons à trépasser,
Esclaves destinés au joug et à la coutelle,…
Même si, certes sans finesse ni dentelle,
J’use de vous pour rire de mes pairs, ce sort
Vaut toujours mieux que l’oubli ou que la mort ! »

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