Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 29 novembre 2019

LE SINGE & LE TIGRE

Petite fable affable
D’après Le Singe et le tigre de Paul Vallin

En se désaltérant au bord d’une onde pure,
Un macaque par un tigre fut surpris.
Notre fauve le voyait en sa gueule pris
Mais, plutôt que se fondre en la verdure,
Peine perdue il le sait, le singe osa :
« Je parie, Seigneur, que c’est l’heure où tu manges ! »
Surpris, et même furieux qu’on causât
À sa Majesté sans trembler, ça démange
Les crocs du prédateur qui montre ses dents.
« Écoute Grande gueule, fait l’impudent,
Kârttikeya m’envoie pour que je pêche
Les poissons qu’il gobe au petit déjeuner.
Si tu me dévores céans tu m’empêches
De le faire : quel dieu aime à jeûner ?
Ses foudres s’abattront donc sur ta famille
Et dès lors les emmerdes pour toi fourmillent ! »

Qui peut mordre à pareil mensonge ici-bas ?
Mais le tigre, joueur devant l’Éternel, songe
Que s’il joue un peu, quoique la faim le ronge, 
Meilleurs encore seront chairs et abats.
Le rayé dit lors : « Qu’à cela ne tienne,
Effronté envoyé de nos dieux !
Accomplis donc ta mission ; la mienne
Suivra. Je ne voudrais être odieux
Aux cieux dont je suis, aussi, un fidèle.

-  Aide-moi, le jeu en vaudra la chandelle !
Mais je ne suis guère adroit de mes quatre mains
Et ta face fera fuir la poiscaille,
Il nous faut, l’ami, sans attendre à demain
Vider ce cours d'eau avec seaux de quincaille
Que vendent les hommes au village à côté.
Allez, en route, il nous faut tant d’eau ôter ! »

Notre macaque saute au dos de ce tigre
Qu’il chevauche comme un authentique rajah.
Si cela, apparemment, ne dérangea
Pas le roi des jungles on interrogea, bigre !,
Le singe qui dit fort qu’ils allaient chercher
De quoi vider toute cette rivière.
L’éléphant s’en émut : où, sans trop marcher,
Se baignerait-il ventrière et croupière ?
Puis ce fut le buffle qui étanchait
Sa soif à ces flots-là qui crut calancher.
L’aigle pêcheur se vit sous peu de friture
Privé quand le crocodile du logis
Jà, se sentait chassé. La noble monture
Fut  donc prise à partie. Sans démagogie.
Elle y laissa sa peau, donnée aux hyènes,
Quand le cavalier sauva la sienne…

Chasseur vivant dans l’illusion du « droit
Du plus fort » donne, hélas ?, sa chance à sa proie.

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