Édito’ à la façon de feue Rue des fables
Singulièrement, je suis pluriel. Je veux dire un être simple mais complexe donc sans complexe et pas simplet goûtant aux joies simples, fuyant autant que faire se peut les situations peu ou prou complexes. N’allez pas en déduire, simplificateurs comme vous l'êtes, que j’aime, décomplexé, à me compliquer une existence pour d’autres simplifiée. Elle le fait toute seule. Souvent simplement.
Il y a d’abord en moi cet homme affable, l’esprit carré et le corps rond qui se plie en deux de rire volontiers pour, pas mauvais cheval quoique un peu bourrin, vous faire plier en quatre. Ce n’est pas le plus encombrant et pas vraiment gênant si c’est fait à la six-quatre-deux. Je me double, incidemment, d’un homme à fables plus qu’à fame qui fait des petites histoires pour un rien avec un tout parce qu’un jour « sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l’horizon. » (Jack London). Brêves. Rimées. Peut-être dignes d’être ânonnées sur les bancs, qui ne sont plus, des écoles qui existent encore car « la morale sans doute est l’âme de la Fable ; c’est une fleur qui doit donner son fruit; » (A. Houdart de la Motte, Le renard prédicateur, V, 3).
Or ces sépulcres blanchis des valeurs républicaines où on met en carcan tant de beautés et au pilori bien des talents, ces médiocres tombeaux de la méritocratie où on incarcère l’esprit, l’enchaîne à l’obéissance et le tue de soumissions ne devraient pas, à bien y réfléchir, tant résonner de ces coupables bluettes. Oui « coupables », insigne je persiste et signe d’une fleur de ciste même si d’aucuns les voient innocentes, les veulent édifiantes, conformistes voire conservatrices pour ne pas dire réactionnaires dans les lettres qu’ils croient voir et l’esprit qu’ils n’ont pas. Il en sûrement ainsi chez les décideurs ministériels et autres « responsables » fonctionnarisés. Or, ces élites qui enferment les pédagogues, devenus sous leur contrainte démagogues, avec leurs braves et bons élèves dans des programmes indigents et des devoirs appauvrissants semblent avoir oublié que
« Ésope était esclave, et il a fait des fables. Phèdre était esclave, et il fut l’imitateur d’Ésope. (…)
On voit, par ce rapport singulier entre nos premiers fabulistes, que la fable est née d’une espèce de combat entre la liberté de penser et la crainte de déplaire. Grâce à ses utiles emblèmes, le génie élude la fougue de l’autorité, combat les passions des Grands, sans s’exposer à leur injustice, cache sous la fiction qui amuse la leçon qui effarouche, et reprend son empire en paraissant l’abandonner.
L’apologue considéré sous cet aspect est un voile dont la vérité se sert pour apprivoiser l’amour-propre et aborder la tyrannie (…) »
(Claude Joseph Dorat, Réflexions préliminaires, Fables ou allégories philosophiques, 1772)
et donc une arme d’instruction massive, un grain se sel qui peut gripper la machine à contraindre, qui peut amener le début d’une prise de conscience salutaire pour le sujet et dangereuse pour qui croit le dominer. Dérision dérisoire : ce dernier ne l’opprime certes pas d’un arbitraire trop visible, mais le déprime souvent par ses décrets et, parfois, en prime, le réprime grâce à ses « Tontons. Macoutes » au nom de la paix sociale et de la sûreté collective appelée « Sécurité » chez ces autorités autoritaires. Oui « autoritaires ». Ne se croient-elles pas autorisées à faire, en tout, toujours seulement comme bon leur semble, au mépris des lois humaines au catlogue, des diktats du décalogue… et des enseignements tirés des apologues ?!
Ainsi, jadis, j’implorais tout haut les cieux décoiffants aux dieux ébouriffants que mes vers, vils épis et mèches rebelles, ne deviennent la corvée, avanie suprême, de nos chères têtes blondes, brunes ou rousses. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, les routes du vent et la crête des flots, je leur rendrai désormais grâce tout bas s’ils étaient - surtout les moins poétiquement corrects - ânonnés pa ds écoliers. Que ceci soit dit sans brosser plus qu’avant dans le sens du poil les divins peigne-culs et entendu que je n’ai pas, plus qu’à mon tour, à m’arracher les derniers tifs qui ne m’ont pas quittés !
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