Petite fable affable
Sur quelque terre d’Afrique où, impérial,
Le Soleil règne sans partage dès Prairial,
Au sortir d’un marigot, était une sorte
De marécage tenant, à la saison morte,
Plus du bourbier que de l’étang, qu’arrosait,
De loin en loin le Nil, et toujours la rosée.
Mais c’était assez pour que vive en cette fange
Un peuple qui, juste pour donner le change,
Coassait sans cesse sous l’œil gourmand d’oiseaux
Qui croassaient d’aise en ces populeux roseaux :
On s’agitait fort et bruissait prou à l’approche
De ces harpies voraces qui perchaient sur roche.
Hélas aussi, quand le très grand fleuve daignait
Le brouhaha fou de cette bauge baigner,
Un crocodile, terreur des eaux et des rives,
Par tous ces bruits attirés, comme à la dérive,
Arrivait. C’était lors carnage à faire rougir
De verte honte Romains à Carthage. « Agir
Plutôt que subir… ! Voilà ce qu’il faudrait faire ;
Voilà comment éviter les affres de l’affaire !
Barytona leur roi. Nous allons bâtir un mur
Pour rendre notre Eden plus quiet, plus sûr ! »
Et voila nos batraciens qui se font vite
Chantres du pisé salvateur sans plus d’invite,
Avec de la boue gâchée, du bois un peu,
Liés à la bourbe en causant prou, l’air pompeux.
Là-bas, dans ces pays, leur peu d’eau vaut fortune
Et l’aisance rend superbe sous toute lune.
Et ainsi s’éleva un semblant de muret
Que l’on chanta haut, plutôt que de murmurer,
Car finie la peur du saurien, ce vandale,
Ce vaurien.
Et tout ça, ma foi, pour que dalle !
Donc les choeurs des amphibiens rassérénés
Reprirent à la grande joie d'oiseaux attirés.
Mais qu’importe : c’était là ce que de Nature
On peut tolérer plutôt qu’être la pâture
D’un monstre. Cette terreuse muraille tint
Bon ses promesses : le Nil ne vint plus, matin,
Grossir le palud… lequel peu à peu s’assèche.
On réagit à grands cris : mur sec, point de brèche !
En grand silence, on mourut tous, avant longtemps,
D’avoir voulu la vie sauve et le cœur content.
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