Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 1 juillet 2021

TROPHÉE DE CERF

Petite fable affable

Peut-on se venger, d’un coup, de tous les affronts ?
Un grand cerf ayant plus de dix cors à son front
Tant sa belle est volage, veut ce passe-passe
Réussir. La revêche jamais ne se lasse
De ses fredaines ni de courir le galant :
Pourvu qu’il soit un cervidé, c’est un bon plan.

Et sans vergogne, le roi des bois elle trompe
Sans craindre, non jamais, que ses noces il ne rompe
Avec élans ou chevreuils, et sûr d’autres cerfs…
Avec des daims aussi entre fromage et dessert.
La forêt bruit de ses frasques et des calembredaines
De ses vils amants et de leurs amours soudaines.

La pimbêche est dévoyée… mais le cerf aimait.
Cette drôlesse il se refuse à abîmer
Ou châtier, comme à condamner sans ambages
Ses conquêtes : il la sait traînée malgré son âge,
Quoique notre coquette ignore l’art du fard,
Et, au fond, aime plus l’Amour que ces cafards.

Pour se revancher un peu de la longue liste
De tous ceux qui se sont mis sur la tendre piste
De celle qui tant biche à être courtisée,
Il organise une soirée, son âme attisée
Plus par quelque esprit de pari que de querelle.
La clairière en fut, ce soir-là, presque irréelle.

Tous ceux qui lui avaient, au milieu des cors,
Fait viles cornes et qui se riaient prou encor’
Du cocu, devenu Amphitryon mais par leurre,
Se firent là faces de carême, et sur l’heure,
Puis figures de deuil quand, digne, leur roi
Leur apparaît comme s’il exerçait ses lois et droits.

Et celle qui vit à la franche marguerite,
Donnant le bel œil au premier des sybarites,
Muguetant, coqueliquant, et donc fleuretant
À tout va, là, l’accompagne presque en boitant.
La justice du Grand Cerf va-t-elle s’abattre 
Sur cette Salomé et sur eux, blêmes comme plâtre ?

Il parle : « Messieurs, vous avez abusé
D’une donzelle et la péronnelle a usé
Ma patience mais chacun ne m’a fait que personnelle
Offense. Je viens de punir la criminelle
Et vous tous à la fois, d’un coup, et sans surseoir :
Je viens de vous faire tous cocus ce soir ! »




















Illustration : Elisa Satgé, printemps 2020

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