Petite fable affable
Un coq de basse-cour, lassé d’être un roi
Trop peu respecté, voulait courir les bois,
Que chacun le craigne et que tous le redoutent.
Bref, il voulait à toute crête - on s’en doute -
Être un Dieu des bêtes, loup parmi les loups.
Avec ses belles il fuit - à pas de loup,
C’est déjà ça ! - de la ferme de ses pères.
Ce n’est qu’au loin qu’arrive ce qu’on espère !
Par les bois, se cachent ces gallinacés,
Bande aux abois ayant de gallines assez.
Les loups de ce lieu, que leur odeur allèche
Et que leur vacarme intrigue se pourlèchent
Déjà les babines : l’aubaine est bonne, alors
On ne va pas cracher sur ces beaux trésors
Que le Ciel, dur aux loups, envoie comme manne.
Circonspect pourtant, le loup n’est pas un âne,
Craignant un traquenard le grand chef lupin,
Veut interroger ce coq, rond et poupin.
Si la mâle bête effraie la volaille,
Chanteclerc va à lui comme à la bataille :
« Frère, je veux être des tiens, dit le faraud :
Je ne veux plus être victime mais bourreau !
Avec mes femmes, ta meute on veut rejoindre
Et à tes actes héroïques nous joindre.
Il est temps que coqs et loups, main dans la main,
Châtient l’injuste et le cruel, bref l’Humain.
- Soit ! répond notre grand loup sur le qui vive.
Au terrier, nous causerons de l’offensive. »
Et les poules, peu rassurées, en deux rangs,
Derrière un coq se sentant, dès lors, plus grand,
Escortées par une meute circonspecte,
S’enfoncent dans les bois aux ombres suspectes.
On marcha longtemps. La volaille épuisée,
Le jour venant, par trop, à s’amenuiser
Demande une halte. À couvert, notre troupe
S’installe, une faim de loup pour toute soupe.
Matin, le coq chanta, surpris à demi :
« Où sont donc mes tendres et bonnes amies ?
- “Tendres”, soit. “Bonnes”… Ces cocottes-minute
Me sont restées sur l’estomac !… On discute ? »
L’encrêté, sans être promu coq au vin,
Fut happé par le roi des tueurs sylvains.
Qui s’abaisse à s’élever, trop souvent, tombe
En ayant creusé, par là même, sa tombe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire