Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 7 février 2014

LE CROCODILE DU NIL

Petite fable affable

Il est partout des gens croyant que leur cause
Est si bonne que pour l’avancer, ma foi,
Il n’est mauvais moyen ni menteuse clause,
Comme le montre ce conte d’autrefois.

Sur les berges du Nil, un gros crocodile
Régnait sans partage, la dent fort habile
À lui trouver de quoi apaiser sa faim.
Il toisait les siens qui, faiblesse sans fin,
Se laissaient toujours récurer la mâchoire
Ou le dentier par des pluvians : sans déboires,
Ces petits insolents picoraient sangsues
Restes, parasites,… en gueules ouvertes
Comme pour les croquer à peine reçus…
Mais les sauriens visités restaient inertes !

Roi du coude de cours d’eau, il fit grief
À ses vassaux d’abandonner leur fief
À ces oiseaux-là, sans vergogne ni gêne.
Il voulut montrer comment et, mieux, sans peine
User d’avortons se croyant tout-permis :
Il invita un des pluvians, en ami,
À faire provende en ses crocs, faisant preuve,
L’eau et l’oiseau à la bouche, de sang froid.
C’était là privilège offert par un roi,
Disait ce goujat se croyant dieu du fleuve.

Qu’importe que les autres fauves des eaux
En fissent tout autant car notre oiseau
Ne ferait pas de vieux os dans cette gueule.
Ainsi en avait décidé le bégueule.
Le chicot astiqué, cruelle avanie,
Il croqua son bon dentiste. « Vilenie ! »
S’écria-ton des pluvians à tous ses frères.
Il perdit son crédit et sa position :
Cette félonie, qu’il nommait « tentation »,
Fit le nid de sa perte, à ce téméraire !

Il avait beau inviter, d’autres bec fins
À se restaurer chez lui et à leur faim,
La crédulité, fille de l’Ignorance
Et mère des superstitions, sans gourance,
N’ayant plus de place en cervelle d’oiseaux,
Nul ne s’approcha plus de lui. Pas maso’ !
Il vécut seul dans son petit coin de fleuve,
Rejeté à cause de son infamie,
Espérant l’oiseau ou attendant l’ami.
Guettant toujours. Mais pour rien. Cruelle épreuve.

Il escomptait qu’un oiseau lui vienne en aide,
Pour le gober, bec béant, mâchoire raide ;
Ses jours n’étaient qu’espoirs vains et longue attente.
Les autres, eux, voguaient en fort bonne entente
Avec les zélés ailés, s’en arrangeaient.
Notre roi déchu baillait, non sans danger,
En bayant, non aux pluvians, mais aux corneilles
Mangeant prou, d’oeufs pas d’ailes, sous le soleil…
Puis maux et bêtes lui gâtant dents, sommeil,…
Vinrent faim, épuisement,… Mort sans pareille.

Qui déjeune de songes, dîne de rêves
Vivra bientôt comme il mange - mal et creux -
Surtout s’il est de ceux qui pissent, heureux,
Dans le puits qui les abreuva de sa sève.

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