Petite fable affable
Une lice n’avait eu qu’un petit.
C’était sa toute dernière portée.
Ce sont choses qu’on sent, sans appétit,
Sans en dire mot, même en aparté ;
Rhumatismes, ouïe, fatigue et vue
La prenaient trop souvent au dépourvu.
Elle le choyait plus qu’aucun des chiots
Qu’elle avait eus. Refusant de punir
Ses fautes ou d’enseigner son brio :
On n’avait jamais eu à l’agonir
De reproches chez son maître, berger,
Qui, là, continuait à l’héberger.
Pourtant un jour, le voisin d’icelui
Tua ce fils adoré. Au fusil.
Babines retroussées et œil qui luit,
Elle va voir l’homme et sans courtoisie
Lui dit de s’expliquer sans vain détour
Avant qu’elle ne l’occise à son tour.
Ce maraîcher, car c’était son métier,
Évoqua le chevreuil qui piétinait,
Depuis peu, son potager sans pitié.
Pour sauver revenus et jardinet
Il voulait détruire cet animal
Qui faisait tant de ravage et de mal.
C’était un accident. Il s’en voulait.
Le responsable était donc le chevreuil.
C’est lui qu’il fallait châtier sans délai.
Et la lice, en colère, sur le seuil
Promet à l’homme, sans ambiguïté,
De chercher en forêt la vérité.
Par les bois, le chevreuil est un vrai roi
Mais la chienne, aux abois, l’intercepta.
Et lui dit venir céans à bon droit :
Un vieil homme, par erreur, ne rata
Pas son fils voulant tuer, de sang froid,
Le chevreuil saccageant ses petits pois.
« Mon Amie, dit l’encorné, le renard
Qui me traque m’oblige, jour et nuit,
À fuir la forêt où je vis, veinard,
Pour me rapprocher des maisons, du bruit,
Qui seuls l’ennuient, l’infâme goguenard.
Le seul fautif, oui, c’est le renard ! »
La lice attrape ce roué au cou
À peine a-t-elle quitté le chevreuil.
Renard geint un peu et se plaint beaucoup.
L’autre lui explique le pourquoi du deuil
Qui l’afflige et le sort qui, pour le coup,
Frappera le rusé par contrecoup.
Le roux fait alors tout un baratin,
Explique qu’on a enclos le pré vert,
Où il faisait le Jacques du matin
Au soir et trouvait, été comme hiver,
Oiseaux, rats et taupes, bref son gratin.
La chienne en perd alors son latin.
Son maître, son bon maître, le berger
En fermant un jour son pré sans pitié,
A poussé l’autre à vouloir égorger
Le chevreuil qui, de peur, avait chargé
Hors de ses bois, et foulé tout entier
Le jardin de qui avait déchargé
Son arme sur son fils dans le verger.
Elle revint chez elle pour punir
Le coupable : celui qui l’hébergeait.
Elle sauta sur lui sans prévenir .
Pleurant, il avoua, ce bon berger,
Que, ne pouvant vraiment rien obtenir
Du chiot, il a clos son pré pour finir.
La lice comprit que cette mort-là,
N’était pas due au voisin, au chevreuil,
Au renard ni même à cet homme las.
C’est elle qui le mena au cercueil.
L’origine de nos maux, Dugenou,
Il faudrait, d’abord, les chercher en nous !
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