Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 3 avril 2013

VIEILLE FABLE HIVERNALE

Petite fable affable

Une fable avait cours parmi l’Antiquité,
Et la raison ne m’en est pas connue.
Que le lecteur en tire une moralité.
Voici la fable toute nue* :

C’est l’hiver blanc de neige et transi de frimas.
Quittant la forêt où la nourriture
Manque, chevreuils et daims, victimes du climat
Près d’un village, tentent aventure.
Sous un arbre couvert d’un manteau uni et froid,
Attend une crèche toute en fourrage.
Nos bêtes s’approchent un peu malgré l’effroi.
La faim leur donne du courage.

Un daim broute l’herbe sèche, prêt à s’enfuir.
Rien. Les autres alors le rejoignent.
Tous avalent de quoi réchauffer chair et cuir,
Sauf les faons grattant avec poigne.
Cherchant leur pitance sous le manteau tout blanc,
Ils bousculent de leurs armes naissantes
Les autres. La daine s’en plaint sans faux semblant,
Voix aigre et phrases cassantes.

Chez les parents du faon, nulle est la réaction.
Et chacun reprend sa part de la manne.
À nouveau, la daine est bousculée dans l’action
Par un petit et le chicane.

La mère de ce faon s’interpose dès lors
Et explique, docte et lasse à la mécontente,
Qu’il ne faut pas crier sur les enfants, cet or,
Puis elle ajoute en vraie battante :
« Il ne faut contrarier en rien par des carcans
Ces Amours, au risque du traumatisme.
L’excès d’autorité est un abus choquant
Et la contrainte un archaïsme ! »

Le daim le plus brave, celui qui entreprit,
Le premier, de manger si près des Hommes,
Entendant ces propos, comme un vrai malappris
Se mêle d’agir. Voyez comme :
Il heurte de ses bois l’arbre qui protégeait
La provende, les bêtes, la mangeoire.
Aussitôt la tanceuse, crûment enneigée,
Joue plus fort encor’ des mâchoires.

« J’ai été éduqué selon vos lois, dit-il.
Sans borne. Et poursuis ma vie à ne faire
Que ce qu’il me plaît et me sied. Foin de babil,
Il faudra vous en satisfaire ! »


* Jean La Fontaine, Tribut envoyé par les animaux à Alexandre, livre IV, fable 12 

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