Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 25 mars 2012

BRANCHES KALÉIDOSCOPIQUES

Et en mille images macroscopiques,
Les arbres torturés deviennent atypiques :
Défigurés, leurs corps noirs, moussus, tourmentés
Tendent, en vain, leurs bras décharnés ou implorent
Des cieux bas auxquels ils s’accrochent, qu’ils explorent
 De leurs doigts crochus, de leurs mains déchiquetées.
L’hiver, sans pitié ni honte, en fait des squelettes
De bois frileux dont l’âme erre et parfois halète…

Nus, en feuilles, en fleurs ou tout fruits,
À chaque âge de sa vie, l’arbre,
Discrètement, sans cri, sans bruit,
Devient le plus parfait des marbres
Que Saturne ait jamais construit. 

À l’heure où les frimas perdent bogues et piques,
Les arbres reviennent enchanter nos tropiques :
De pinceaux mordorés en torches enflammées,
Les peupliers cueillent, dans le ciel qui s’allume,
Les vapeurs de l’aube lasse qu’ils désembrument.
La naissance du jour va être proclamée,
Des gentilhommières jusqu’aux humbles chaumières,
Par un rameau doré sous un trait de lumière.

Nus, en feuilles, en fleurs ou tout fruits,
À chaque âge de sa vie, l’arbre,
Discrètement, sans cri, sans bruit,
Devient le plus parfait des marbres
Que Saturne ait jamais construit. 

Quand Phœbus à courir le ciel enfin repique,
Les arbres habillent de rêves éthiopiques
Un timide été qui peine à sortir de l’œuf :
Quand ils parent enfin de parfums la pénombre,
À l’orée de la nuit, l’aurore effeuille l’ombre
Pour que mûrissent mieux les fruits d’un jour tout neuf.
Ils nous parlent alors dans leur vert dialecte,
Les feuilles bruissantes comme une aile d’insecte…

Nus, en feuilles, en fleurs ou tout fruits,
À chaque âge de sa vie, l’arbre,
Discrètement, sans cri, sans bruit,
Devient le plus parfait des marbres
Que Saturne ait jamais construit. 

Passé le temps si court de ces chaleurs épiques
Qui parfois écrasent du fardeau des tropiques
Nos cieux habitués à la modération,
La toison des arbres, devenue monotone,
Foisonne des couleurs qui enchantent l’automne
Jouant avec un soleil tout en vibrations.
 Les ocres et les ors des frondaisons se teintent
Quand la saison, du doigt distrait, leur porte atteinte…

Nus, en feuilles, en fleurs ou tout fruits,
À chaque âge de sa vie, l’arbre,
Discrètement, sans cri, sans bruit,
Devient le plus parfait des marbres
Que Saturne ait jamais construit. 

Loin des vertes forêts, sous nos frileux tropiques,
Mon regard devenu par trop stroboscopique
Cherche l’arbre vieilli dont la sève s’endort :
Condamné, déjà il vacille sur sa souche,
 Il abat ses branches. Et puis son tronc se couche 
Sur la terre noire qu’il avait semée d’or
À l’automne, comme il faisait l’été de graines,
Sous le linceul terni d’un sombre ciel de traîne…

Illustration : Camille Lesterle, 25 octobre 2014

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