Petite fable affable
Quels que soient l’an ou encore la saison,
La vieille horloge règne sur la maison,
Une ferme de chez nous, sans âge.
Si elle ne fait la pluie et le beau temps,
Limitant les moments, dictant les instants,
Elle rend le lieu sûr et sage.
Mais elle croit avoir du talent
Et de l’esprit alors que, l’air nonchalant,
Elle n’est, las, que riche d’heures
Et n’a comme mérite que d’effeuiller
Le temps qui fortifie les amitiés
Et affaiblit l’amour qui demeure
Inconnu de cette grosse caisse en bois.
Certes, elle déteste que la montrent au doigt,
Ces braves nantis pour qui ne compte
Que le présent comme ces vils vertueux
Qui ne voient que l’avenir, présomptueux.
Car les uns et les autres redoutent
Une vieillesse qu’ils ne sont pas sûrs
D’atteindre mais qu'elle annonce à coups sûrs ;
L’insupportent ces jeunes sans doute
Persuadés que l’on vit assez vieux
Pour profiter de ses fautes, l’œil joyeux.
Car tous, à leur façon, lui reprochent
D’aller trop vite ou beaucoup trop lentement
Alors qu’elle va son trot, tout bêtement.
Aussi sonne-t-elle à tous ses proches :
« Qui emploie mal son temps, tristesse ou gaieté,
Se plaindra toujours de sa brièveté ! »
* D'après des citations de Jean de La Bruyère, Caractères (1688)
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