Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 11 juillet 2015

UN AMOUR DE COCCINELLE

Petite fable affable

J’ai la nature pour compagne.
La vie bucolique de ma campagne,
Qui est « un trou du c… du monde »,
C’est un bois, le sentier qui l’accompagne,
Des champs et des prés à la ronde,
Quelques trous d’eau, des fossés en broussaille.
Mais c’est aussi toute un faune
D’insectes, parfois infects, qui tressaille
Dans l’herbe qui n’est jamais jaune.

Même « la bête à Bon Dieu », Dame,
Mérite sur bien des points, carton rouge
Et blâme. Oui, sans état d’âme !
J’en sais même une qui encore bouge,
Masculin de genre et d’espèce :
Mufle. Aimant fort courir la prétentaine,
Il enivra de gentillesses 
Et habilla de mots doux par centaines,
Une très jolie coccinelle,
Une de ces demoiselles qu’on gruge
En jouant bien de la prunelle
Et d’anciens mais habiles subterfuges.

Charmeur, il lui donnait l’aubade ;
Charmant, il lui promettait miel et lune
Et la soûlait de sérénades
Pour avoir enfin la bonne fortune
Que leurs élytres las convolent,
Qu’en un mot, cette prude-là succombe :
Pour elle, pas de gaudriole
Avant le mariage : loi des combes
Et des filles de sa famille. 
Elle ne céda qu’avec l’assurance
Qu’il mourrait, c’est pas peccadille,
Pour lui éviter toute souffrance.

Or ce soir-là, sous les étoiles,
Une épeire l’a prise en toile.
Courageux, il abandonna sa Belle
Qui n’avait pu mettre les voiles
À une mort des plus cruelles,
Et dit, avec un air d’indifférence,
Ignorant ses pleurs et ses plaintes :
 « Nous promettons selon nos espérances
Et nous tenons selon nos craintes.* »

* François de La Rochefoucault (1613-1680), Maximes (1665)

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