Petite fable affable
Un jeune oiseau de nuit et un vieux rat de cave,
Copains comme cochons moins pour les choses graves
Que pour les légères, couraient la nuit durant,
Et dès qu’elle tombait, faire bamboche et bombance
Pour oublier l’ennui, leur malheur récurrent,
Non les ennuis qui les épargnaient, par chance.
Pour ces deux compères, pas amis à demi
Les idées noires font des nuits blanches, ma mie,
Alors amusons-nous : « Fi d’os avec la noce ! »,
« La bringue rend dingue si elle n’est que d’août ! »,
« Beaucoup de débauche préserve des cabosses ! »,
« Contre tes maux mieux que mots : galas et raouts ! »
Fort complaisants avec eux-mêmes, ces deux drilles,
Étaient intraitables avec les autres. Grilles,
Portes et codes les préservaient des sans-dents
Et sans-le-sou, êtres nuisibles chez les bêtes :
« Primé je te prise, même un peu décadent ;
Brimé te méprise et fuis pis que Malebête ! »
Un matin, sortant fins saouls, un errant les vit.
Cet assisté, coucou mendiant, les envie
Et, hélas les hèle : « Depuis trois jours ne mange !
- Le jeûne ?… C’est un truc de vieux ! » répond le rat.
L’autre insiste : « Sans toit, je vis donc dans la fange…
- Qui ne sait où coucher est, lors, dans de beaux draps ! »
Ils se prirent, contents de leurs saillies, à rire.
Des pies les guettaient avec un méchant sourire.
Craignant chiens policiers, et surtout chats-fourrés,
Elles s’attaquèrent au coucou. Nos deux comparses
Leur abandonnèrent ce paumé. « Mal barré,
Qu’avait-il à perdre ? Sa vie n’était que farce…
Dit l’autre oiseau. On en est quitte pour la peur ! »
On peut expliquer non excuser leur torpeur,
Quels que soient nos us et mœurs, il faut qu’on ose :
Le monde est dangereux à vivre, je crois, non
Tant par ceux qui font le mal, mais plutôt à cause
De ceux qui baissent leur froc devant son seul nom.
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