SUS AU JABIRU

Petite fable affable

Prince des jobards et roi des bobards,
Vivant comme matou matass et flambard
Ne sachant qu’aller de l’assiette à la sieste,
Le prieur de la mission, Céleste,
Le fort bien nommé, ne manquait pas,
Dans toute cette contrée, de pratiques
Qui l’appelaient souvent, aimants, « Papa »
Tant il était aimé, soit dit sans critique,
De ses paroissiens, comme il le fut,
De leurs épouses et mères en temps échus.

Au milieu d’enfants à la mamelle,

À tour de bras, comme Sainte Philomelle,

Il prêchait, convertissant, baptisant,

Tout ce qui passait, de l’agonisant

Au naissant, chez l’homme ou même la bête.

Se levant toujours à l’heure du thé

Pour jouer du goupillon sur l’herbette,

Il disait la vie trop courte et répétait

Qu’à préparer sa mort on doit se hâter

Sauf à être, par Dieu, mandaté.

L’âge vient. L’aigreur l’accompagne
Souvent. Elle accourut dans la campagne
De notre missionnaire hélas,
Et le frappa : le galimatias
Des sermons s’emplit de questions sottes
Tournant fort vite à l’inquisition.
Donc on le méprisa pis qu’une crotte,
Le priant de faire ses questions,
Ailleurs cherchant non loin un autre guide
De vie, un pasteur qui soit plus languide.

Or vivait, à portée, un jabiru.
Digne, sans grâce ni graisse, l’œil roux
Cet oiseau hantait une volière
En pierres, habillée de lierres.
Sage reconnu par sa nation,
Il passait pour un humble philosophe
Et fit, malgré lui, profession
De saint pour l’heure, notre Théosophe
S’étant comme, dès lors, un chacun sait
Discrédité par l’acte et la pensée.

Cet échassier puisait dans les contes 

Quelques maximes dont tous, à bon compte,

Pouvaient tirer un profit n’imposant

Rien, croyez m’en. Mas notre imposant

Missionnaire, outré qu’on lui préfère

Un piaf voulut lui arracher

La langue pour lui apprendre, en bon Père,

À parler !… Il alla l’interroger

Puisque telles étaient là ses façons

D’aborder l’autre et de faire leçon.

« Que sais-tu, l’oiseau, de la Sainte Bible ?

- La lecture ne m’est point accessible

Mais à que tu en as dit, j’ai cru 

Deviner que des choses, pas l’abstrus,

Avaient de l’intérêt mais que d’en faire

Un dogme, si j’ai bien entendu

Le reste, relève d’humaine affaire

Qui éloigne de ton Dieu, attendu

Que l’être qu’il a créé, boue imparfaite,

N’a pas mis tout ce qu’il fit à la fête.

- Je n’en espérais, raclure d’oracle
Pas moins de toi, sauf par quelque miracle,
Ni n’en attendais, sur ma foi, pas plus !
Toi qui vis si près de flots corrompus,
Du néant et vain de l’eau si proche,
Tu blasphèmes le nom de mon Dieu !

- Le mien, malgré l’insultant reproche,

Vaut bien le tien car, mon vieux,

Ils prônent tous deux les mêmes valeurs,

Imposent semblables devoirs aux leurs.

Comme le mauvais ici bas fourmille 

Et le bon rare, même en sa famille,

Mon Très Haut, en sage, a juste ajouté

Que les précepteurs, gens des plus utiles,

Sont dangereux quand ils sont arcboutés

Ne séparant pas l’important du futile,

Pire s’ils se veulent nécessaires aux leurs,

N’apportant que douleurs, et pis, malheur ! »