Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 29 avril 2020

LA MOUETTE MUETTE

Petite fable affable

Écharpes échappées voguant au vent 
Qui en fait chiffe et charpie trop souvent,
Les nuages habillent le ciel  triste.
Et là, sous un arbre échenillé, bistre,
L’auteur prolixe peine, fabulant
Très à rebrousse-plume. Virulent.

Avec l’arrogance de l’ignorance,
La mouette se pose en l’occurence.
Déranger ce dérangé, c’est risqué !
Surtout qu’il est venu à manquer
D’inspiration : un rien le trouble,
Bruit ou mot. Tout est, hélas, encouble
Au chant de ses Muses parfois lassées
D’un rimailleur n’aimant point ces placets
Aidant à se bien placer au monde
Des lettres qui tant de talents émonde.

Mais cette mouette à peine posée
Se tait. Le prolifique, teint rosé
Par l’ire, prou surpris, en suspend son encre 
Aux nues qui, ou ici, ou là, s’échancrent
Sur un azur pâli. Il sent, il sait
Que cette insensée-là va l’encenser…

Ce plumitif n’aime pas plus l’éloge
Qu’il ne goûte à la critique, l’horloge,
Comme le goût, allant vite à son gré.
Aussi il grogne fort, râle et maugrée
S’apprêtant à semoncer notre intruse,
À la sermonner sans user de ruse.
Mais son silence obtus le laisse coi.
Cette importune, elle lui veut quoi ?
Ça lui perdre son fil mais ça l’inspire,
Il n’aura pas perdu son temps au pire !

Cet oiseau immobile, auprès de lui,
Devient objet de fable et la pluie
S’annonce. Mais, pourtant, les vers s’enchaînent
Et un conte naît, là, dessous le chêne.
Le plus beau qu’il ait composé, dit-on,
Sa morale en devint même dicton.
Au point final, la mouette muette
Prit son envol laissant cette bluette…

Elle nous enseigne en sa moralité,
Du lointain Soleil Levant héritée,
Que l’homme silencieux, vérité !,
Est toujours le plus beau à écouter.
Illustration : Élisa Satgé, été 2019

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