Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 7 avril 2020

L’ERMITE ERRANT

Petite fable affable

Sur une terre où les dignités avaient été
Mises hélas à l’encan et où la naissance importait
Plus que le talent vivait, là, un très vieux sage,
Las d’un monde sans valeurs, d’un peuple sans usages.
Il n’était donc pas sur les tablettes de son temps
Ce dont il se moquait, toujours gai mais jamais content :
Comment et pourquoi attendre la perfection d’êtres
Aussi imparfaits que l’Homme assujetti au paraître ?

Résolu de vivre au désert, il se fit donc « ermite »,
Philosophe et retiré. Il devint alors un mythe.
Auprès de sa Solitude, dans le vil espoir
D’obtenir moults bienfaits du rupestre boudoir
On érige un, puis deux, gros hameaux qui se firent
Vite des bourgs capables, en tout, de s’autosuffire.

Pour l’aider à supporter sa crasse pauvreté,
Lui qui vit alors cette sainte humilité 
De l’ascétique dénuement, on lui offre
Dons et legs qu’il refuse mais qu’on met en coffre
En son nom. Et on pèlerine jusqu’à lui
Pour recueillir sa parole, lui qui fuit
Un monde qui ménage le vautour et déchire
La colombe sans vergogne, jamais de Mal chiche.

Pour qu’il ne garde pas pour lui ni ses idées
Ni ses pensées on fit fleurir aussi des églises 
À son nom et vinrent, en masse, comme des guêpes
Attirées par le miel, dans cette ancienne steppe,
Des prêtres pour répéter et commenter ses dires 
Alors qu’il s’est voué au silence. Quoi de pire ?

Ainsi fit-on un dogme de mots qui ne valaient
Et qu’il ne voulait que pour lui chez ces valets
Plus arrogants que des seigneurs. Comme tolérance
Et modération étaient ses préceptes, un peu rances
À l’époque ma foi, ils tuèrent tous ceux qui
N’étaient point d’accord avec ces dignes pré-requis.
Et lui qui voulait la paix provoqua la guerre
Ce qui, on s’en doute bien, ne l’enchanta guère…

Il se fit donc vagabond et partit par les routes,
Sans changer d’un iota malgré sa vaudéroute
Sa façon de vivre et d’être, en vertueux fuyant
Le pervers, le vicieux de ses humains parents.
Partout on le chasse et le maudit. Ainsi l’errance
Lui fit comprendre que, non sans désespérance :

On obtient souvent l’inverse de ce que l’on
Espère que l’on soit, hélas, moellon ou sablon !

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