Petite fable affable
Un âne et deux mulets partagent un grand pré
Selon le gré de l’homme à qui ils appartiennent.
De concert, il fallait que tous trois entretiennent
Un lieu trois fois trop grand pour eux. Vieux, l’âne est prêt
À cohabiter en la place avec quiconque ;
Les mulets, jeunes et jaloux, pas : l’Autre tronque
Leur espace vital. Ils sont toujours après !
Le baudet, bonasse, ne brait rien, va plus loin.
Un matin, de guerre las, l’un d’eux mord notre âne.
Le fermier est furieux et, d’autorité, il condamne
L’agresseur au marché aux bestiaux de son coin.
La paix revient un temps mais le mulet rumine
Contre le bourricot mais lui fait bonne mine.
Son frère est à venger. Il le sera à point…
Puis on oublia tout ça, les saisons passant.
Un soir d’été, notre rancunier broute aux ronces
Et tombe dans un trou dans lequel il s’enfonce.
Il appelle au secours avec des cris perçants.
L’âne tourne autour de lui mais ne sait que faire.
Maître Jacques accourt et, non sans mal, peut défaire
L’animal du piège griffant et enlaçant.
À peine sauvé, le mulet court se ruer
Sur l’autre quadrupède et peste : « Par ta faute,
J’ai chu !… Tu m’as poussé que j’en ai mal aux côtes !…
Tu as eu mon frère et tu voudrais me tuer ! »
À ces mots, le rustre crut enfin avoir compris
Et, pour se racheter, vendit sa vieille bête
Malgré ses larmes, ses dénis et ses courbettes.
Ami, qui veut nuire doit y mettre le prix :
Que celui ou celle à vaincre soit un intime,
Ou non, sachez toujours passer pour la victime
Car paraître agresseur ne vaut rien que mépris !
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