Petite fable affable
Sur une rose, une abeille œuvrait
Bourdonnante et butinante.
Toute à son labeur, rien ne sevrait
Sa soif de faire, étonnante.
Loin de ces choses, une guêpe, ivraie
Vrombissante et badinante,
Qui, par là, tournait et manœuvrait
Vint la voir, impertinente.
Hautaine, elle l’entreprit d’un ton
Tout mépris et suffisance :
« Que de travail, chez les tiens, fait-on
Pour gagner si peu d’aisance !
La moitié des fruits de ton labeur,
Et de celui de ta ruche,
Va au jardinier, ce vain gobeur
De mouches, tout aussi cruche.
Moi, je vis et vole en liberté ;
Toi, l’esclave volontaire,
L’éternelle prolétaire,
Tu t’abîmes au turbin, sans fierté.
Et moi, légère et brillante,
Toujours bien mise et jamais à jeun…
Toi, si terne et tournoyante,
Grasse et grosse, affamée de parfums,…
L’Homme fuit ma taille fine,
Respecte ma race à moi, mon dard,
Quant à toi, il te confine
Dans une boîte, ce vieux pendard ! »
Peu surprise des nuisances,
Lointaine, l’autre dit sur ce ton :
« Merci de ta complaisance
J’aime vivre en peloton
Et, sans crainte et sans embûche,
Me savoir au gîte où, sans aigreur,
J’ai, sans que l’on m’en débuche
Un jour, rôle et rang, Votre Grandeur ;
Ne fais pas de commentaire
Utile à tous, sans cesse alertée,
Je n’ai pas le temps de disserter,
D’être futile et de plaire.
Lourde et large, d’un vol peu bruyant,
De l’aube jusqu’à la brune,
Humble, j’œuvre, acte bienveillant,
À une cause commune.
Toi, si tu attaques de ton dard
Le mien me sert en défense :
Te chasser ou te tuer, Soudard,
N’est, sur ma foi, ni mal ni offense ! »
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