Petite fable affable
Un homard, une écrevisse,
Chez un poissonnier,
Étaient prisonniers
Pour que l’on vît - Quel service ! -
Ces bêtes rougir
De honte et tressaillir :
Qui viendra les élargir
Les faire bouillir
Et les amollir !
Lui, inquiétude
De l’âme et d’esprit,
Brillait par son prix,
Dans sa servitude
Elle, agilité,
Inégalité
D’humeur, mitée,
Sans civilité,
N’avait qualité
Qu’en vitalité.
Chacun d’eux passe
Son temps à nuire à
L’autre. Il lui sabra,
Dans leur sombre nasse,
Une pince au moins ;
Elle, sans témoin,
Abîma sans soin
Sa queue en un coin…
Et un bout du groin.
Devant le carnage,
Le marchand solda
Pour en faire accras
Homard à la nage
Écrevisse crue.
Mais nul, dans sa rue,
Ne veut des bourrus :
C’est mieux, la morue
Et moins incongru !
Alors l’écrevisse
Dit sans embarras
« Gratuit et pas gras
- Elle n’était que vice -
Bisque de homard,
Pour tous les flemmards
Comme les trimards
Et les zygomars »
Venus à la pelle,
Plus de cent clients,
S’arrachent, riant
- L’exploit interpelle -
L’animal parlant
Vendu dans l’élan
Au prix de l’or blanc ;
C’était un bon plan :
L’affaire de l’an !
La bête vilaine
Finit, ce soir-là,
Lors d’un grand gala,
À l’armoricaine,
Disant, en suée
Et toute engluée,
Sans plus remuer :
« Homard m’a tuer ! »
Sous cris et huées.
L’autre encore habite
Dans leur vieux vivier.
Comme un cénobite
Il se tait sans dévier,
Mais la nuit marmonne :
« Le docte, Ma Bonne,
À moins qu’on le sonne,
Se défie, s’étonne
D’être savant. Conne ! »
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