Petite fable affable
Il est des conversations qui nous plongent
Dans des abîmes de perplexité
Tant la bêtise, tant la vacuité,
Au mieux, à tout bout de phrase les rongent…
N’ayant rien, dans la vie, qui la tracasse,
À tort, à raison, une pie jacasse,
Disant tout, à tous, dès soleil saillant,
Et son contraire avant soleil faillant.
Connue et, pour cela, fuie dans la place
Rien ni personne, ici, ne l’embarrasse :
Elle s’accroche à qui n’est pas fuyant ;
Tant pis pour le captif imprévoyant !
Bien qu’alentour elle lasse et agace,
Même poules faisanes et bécasses
Qui, distraites, l'écoutent en baillant
Elle est babil bruyant plus que brillant :
Allusions fugaces, propos fadasses,
Et, ça, de la préface à la postface !
Qui la connaît cherche des faux-fuyants
Ou s’en va vivre en bois plus verdoyants.
Celles qui coassent, ceux qui croassent,
Pourtant peu sagaces, fuient son espace
Plutôt que de l’entendre, babillant,
Venir à soi le caquet tout vaillant.
Ne restaient que bêtes à carapace,
En plus des moins loquaces des rapaces.
Trouvant le calme du lieu attrayant,
Une effraie vint à nicher, boitillant.
La bavarde ne manquant pas d’audace,
S’en vient à la chouette qui potasse
Et la gave de propos accueillants.
Les myopes n’en sont pas moins clairvoyants :
« Madame vous êtes des plus cocasses
Et, avant d’aller plus loin dans l’impasse,
Sachez que le silence est un brillant
Que j’embellis sans cesse en le taillant !…
Aussi, permettez donc que je vous chasse
Vous, et ces mots dont vous faîtes mélasse,
Ils ne me sont même pas distrayants
Tant ils sont mal seyants et ennuyants :
“Parler beaucoup, on ne peut sans mensonge
Ou, pour le moins, sans quelque vanité :
Le parler bref convient à Vérité,
Et l’autre est propre à la fable et au songe.”* »
* Guy Faur de Pibrac (1529-1584), Quatrain LXXI
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