Petite fable affable
Un gerfaut, le plus grand des faucons,
Connut quelques revers de fortune :
Blessé à mort aux premiers flocons,
Il becquetait ses dernières tunes
Et ne devait sa survie qu’aux dons
De ses plus proches voisins à plumes.
Quand votre vie n’est plus que chardons
Et que le besoin vous est une enclume
Sur laquelle sonne le marteau
De la faim, sans fin, enfin l’aumône
- Quoi que l’on en ait pensé tantôt -
Vous est secours, recours, non démone.
Il restait là, coi, las, tout le temps…
Certains payaient de mots sa sébileIl les remerciait tout autant
Que ceux lui laissant un rat débile,
Un moineau, des cafards ou de l’eau.
Une buse lui donna son aire,
Un nid branlant sur quelque coteau.
Notre gerfaut, contre l’ordinaire,
Pour l’avoir volé et dénigré,
Snobé et chahuté en d’autres
Temps, s’excuse en sincères regrets.
Un vautour y lâcha un lagopède,
Gros et gras, dont il eut pu dîner.
Le nid chancela : « Sot palmipède ! »
- Suprême insulte, on l’a deviné -
Lâcha l’amoché au grand rapace.
L’autre descendit vers lui, dédain
Dans le regard, prêt pour quelques passes
Avec l’éclopé qui fut, jadis, mondain.
« Tu te perds en mercis et courbettes
Pour un mauvais lit aux courants d’air
Et tu insultes comme une bête
Celui qui vient t’offrir de la chair ?
- Sale Charognard, le don importe
Moins que la façon de le donner.
Ôte le tien de mon pas de porte ;
Tu es venu pour m’aiguillonner,
M’insulter, non m’aider : je ne mange
Pas, moi, de ce rôt là, Fils de fange ! »
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