« La poésie ne mène à rien - à condition de ne pas en sortir. »
P. Reverdy (1889-1960), Le livre de mon bord, 1948
Pour tout héritage,
De cet enfant que je fus
Me vient le goût des disputes
Toutes en abattage,
La passion du luth et des luttes
Plus quelques mots à l’affût
Qui, sans chipotage,
Percutent quand on les députe
Pour se dire zut et flûte
Sans escamotage
Mais sans chahut ni raffut.
Pour tout héritage,
À ces enfants que j’ai eus,
Je lègue mon habitude
Des vieux ermitages
À l’inquiète solitude,
Loin des cohues qui conspuent ;
Dans ce paquetage,
Ma haine des multitudes,
Platitudes et servitudes,
Qui vous rendent otages
Des tribus et des tributs.
Pour tout héritage,
Aux enfants que je n’ai pas eues,
Je laisse, je le suppute,
Quelques caquetages,
Ces muses que l’on ampute,
Qui dans un sombre oubli chutent
Sans aucun battage ;
Puis mon dégoût pour ces brutes
Qui persécutent, exécutent,
Aiment le chantage,
Ont tondu ou prostituent.
Pour tout héritage,
Aux enfants que j’ai connus,
J’offre mes incertitudes
Et tous mes ratages
Plus l’estime des études,
Mon mépris des parvenus,
Qui tirent avantage
De toutes les turpitudes,
Nous laissant tout d’hébétude
À leurs radotages :
Nés nus, puissants devenus !
Pour tout héritage,
Aux enfants que je n’ai vus,
Je donne l’indissoluble
Plaisir du partage,
Loin d’un désir qu’on affuble
Du nom d’Amour et qu’on tue
Par des jabotages ;
L’envie de n’être plus dupe
Des promesses d’une huppe,
De ces héritages
Qui sont mythes devenus…
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