Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 25 mai 2014

LA CHATTE À POIL

Petite fable affable

Il y eut une fois, au fin fond d’une ferme,
Une chatte qui ne se trouvait pas assez
Admirée, choyée, cajolée, caressée,…
À ce vrai scandale, il lui fallait mettre un terme.
Ah ! le sinistre écueil que peut être l’orgueil !
Voulant qu’on ne l’aimât ici-bas que pour elle,
Qu’on la regarde avec de la tendresse à l’œil,
Elle se fit autre. Ainsi, font les pimprenelles !

Elle perça un peu plus le bas de laine usé,
Troué d’être tourné et retourné pour rien,
Oui si peu, mais assez pour voir l’esthétichien !
Elle a lu que le glabre était fort à la mode
Donc notre minaude finaude - un brin rusée -
Voulut qu’on lui ôtât sa toison. C’est commode !

La diva du divan, rasée, plut à son maître.
Il avait pour elle cette attache et ce lien
Que crée l’habitude. Il eut, désormais, un bien
Bel appétit à la voir, l’avoir, et connaître,
Soir et matin, avec elle, tendres transports
Et fort doux commerce. Ma foi, si on ne l’aime
Pas mieux, on l’aime plus et sous tous rapports.
Hélas, le poil repousse et pousse à l’anathème.

Minette, lassée d’être à nouveau délaissée,
Plus d’assez près tondue, courut chez l’autre chien,
Celui qui lui permit de se trouver si bien
Et demanda, sans fard, que, sur l’heure, on l’épile.
Pour être aimée, c’était la seule panacée ;
S’il faut souffrir pour être belle, elle rempile !

Quand elle revient, au fin fond de sa ferme,
Cette chatte épilée fut fêtée, embrassée,
Admirée, choyée, cajolée, caressée,…
Cette fois, c’était sûr, ça n’aurait pas de terme.
L’habitude mène tout vite à son cercueil
Car tout passe, tout lasse et tout casse, Donzelle !
Et la chose chauve fatigua comme breuils
Harassent le chasseur de faute originelle.

Imberbe, notre chatte quitta, désabusée,
Les champs pour courir la ville et, pis, ses vauriens.
Privée de fourrure, elle devint fille à chiens,
Se flétrit, se fana, la minaude nigaude,
Prise pour ce qu’elle n’était pas, abusée
Par tous ceux qu’elle ne voulait pas et qui rôdent.

Méfie-toi des modes : je peux t’en assurer,
Elles mènent, elles qui tant te dénaturent,
De désirs en choix allant contre-nature
Au plus loin du bonheur que tu te figurais !

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