Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 21 mai 2014

TROP TENTANT

          J'étais d'ici, de ce pays d'étangs inquiétants et peu palpitants. Mauvais temps que ce temps-là. C'est ainsi. Je n'ai pas choisi. Un contretemps pensai-je. On y vivait comme au vieux temps où le méritant allait, végétant, en passant son temps à le prendre, tout le temps. C'est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… qui s'estompe avec le temps, les vieux se mourant. Tout n'a qu'un temps et on doit le prendre comme il vient, en un rien de temps, ce temps qui se partage ailleurs  !
     Quand vint mon beau temps, en un mot le temps voulu, m'agitant, il était grand temps que je parte. C'était épatant : la ville aux charmes excitants aux tons éclatants m'attirait comme un soleil de printemps : à moi le bon temps, les longtemps,…. Pas de mi-temps ni de temps partiel, la vie se vit à plein temps ici… même pour les intermittents, pour qui les temps sont durs, il est toujours et encore temps. Enfin là. En ville, je veux dire. Dans cette ville aux populations civiles et aux temps pleins et beaux, adeptes impénitents du juste-à-temps. Un pays haletant de battants et, aussi, malheureusement pour moi, de charlatans aux ciels éclatants tant et tant. L'endroit où se donner du temps et se payer du bon temps et où chaque chose se fait en son temps, soit-il gros, bon, vilain, beau ou sale. Le temps, c'est cool !
     Je croyais y trouver un meilleurs ailleurs mais on me rappelait, mise et accent, que j'étais d'ici. Alors j'ai voué et passé mon temps à paraître autochtone, sans jamais être considérée comme indigène même si je donnais le change, de temps en temps, vivant de l'air du temps dans lequel j'essayais  toujours d'être comme il est de bon ton en ces lieux où le temps est devenir libre hors son emploi du temps surchargé. Un Léviathan excitant fait pour les Titans et les combattants d'un tout autre temps.
     Tout en étant de mon temps, je n'ai pas eu l'heur ni le temps de me faire à ces changements miroitants de temps et d'air. Les choses étant ce qu'elles sont, le temps se dilatant moins que les prix, vite exorbitants. Où on ne peut prévoir le temps, l'occuper à des riens, en gagner pour mieux le gaspiller, le marquer ou le meubler, à vouloir rattraper celui que l'on perd ou que l'on donne sans y prendre garde,… car on n'en a jamais assez et on ne peut jamais le remonter. Et pourtant à veut le gérer au mieux, mais cela demande du temps. De ce temps qui vous abîme quand il se met hors de lui-même, en temps normal !
     Je suis donc revenue ici… dans ce pays d'étangs hésitants et limitants, au mitan de ma vie. Et, depuis, j'y tue le temps à ne rien faire et, Bon Dieu, que le temps est long quand on ne sait comment le tromper ou le perdre. On se donne le temps, dans ce monde que je connais de mon enfance, où les habitants irritants me reprochent d'être, mise et accent, de "là-bas". Je suis un taon que l'on regarde d'un air de "va t'en", une fille de Satan. Moi qui suis ici née, ici, autant qu'eux, je serais corrompue par la ville. Devenue vile alors que je suis toujours moi, comme avant le temps où je n'étais pas partie.
     Certes je n'étais pas femme, alors. Ni fille, d'ailleurs. Car entre-temps…

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