Petite fable affable
Dans une masure, un rat docte et zélé,
Qui logeait au grenier mais hantait la cave,
Passait pour sage et saint, pourquoi le celer ?
Car il parlait bien, le ton haut et la voix grave.
Le voilà prélat prêchant, calomniateur :
Car n’aimant guère les dames ni la femme,
Moins la créature que son Créateur,
Il invectivait l’être inférieur, sans âme,
Qui faisait la joie et la prospérité
De son espèce en mots sans chaleur, arides.
Pour lui toute fille était Diable à la nuitée
Ou indomptée ne souffrant ni mors ni bride ;
Bref : « Une joie trop courte, un souci trop long ! »,
Un péché d’enfer, une erreur d’aiguillage,…
Il vitupérait en ses sermons contre, selon,
Ce fort mauvais marché qu’est le mariage
Ou l’illusion de l’Amour payant chacun
En songes mensongeux, en aubes traînantes,
En chapelets de douleurs,… qu’on soit quelqu’un
Ou rat de rien, la moustache frissonnante.
Avouons-le, sa voix plaisait plus que sa voie :
Sa foi et sa chapelle avaient peu d’adeptes.
On l’écoutait prou, le portait au pavois,
Mais on suivait peu, et de loin, ses préceptes.
Pourtant nul n’osait contredire ce saint,
Jusqu’au jour où un très vieux veuf, dont l’épouse
Avait été tuée non par un médecin
Mais par la maladie, mit ses pas dans la bouse :
« Maître, la douleur me poigne d’être seul,
Dit-il. Inconsolé d’avoir subi la perte
De l’Aimée qui repose sous les glaïeuls.
Elle fit de ma vie non une île déserte
Mais un doux paradis, perdu pour toujours.
Si toute femelle est telle que vous dîtes
Que dois-je penser du fruit tombé, un jour,
Des entrailles de votre mère ?… Hein ? dîtes ?!… »
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