Petite fable affable
Voulant une vie prospère et pépère,
Deux loups sachant en eaux troubles nager,
Tous deux frères de sang, se firent pères
Ayant une face à décourager
Un crapaud d’être laid. C’est pas peu dire !
Mais leurs caractères, en tout, différaient
Bien qu’aucun, en rien, n’était tempéré :
L’un à l’ego froissé, aimait maudire ;
Il limaçait quand il fallait courir,
S’escargotant quand on devait saillir.
L’autre, au moi-je fripé, aimait mots dire ;
Quoique lent à voir et à concevoir,
Tardif à exécuter ou savoir,
Il était prompt à fuir à pleine course
Quand l’autre se cachait, lui et sa bourse.
Qui a la foi pour pouvoir et ressources
S’arrondit fort comme, avant l’hiver, l’ourse.
Ordonnés, ils eurent pour mission
Une église en robe de béton, laide
Dans un pays beau par ses passions
Et ses bêtes qui n’attendaient nulle aide
De quiconque et surtout pas de ces loups
Froqués de bure et dressés à la dure
Pour qui tant belle face étant ordure.
Ils étaient, pour le moins, un peu chelou ?
Pour nos loups faits Samaritains, confesse
Et messe sont graisse de tiroir-caisse
Pour faire expier, sans bénignité,
Aux paroissiens inquiets, la bonté
De leurs vieux us pleins d’aménité
Et leurs mœurs sans nulle malignité.
Condamnés par Dieu au jour indigeste
De leur naissance, comme l’est chacun,
À un compte-à-rebours des plus funestes,
Tous n’étaient que gueux, manants et faquins,
Êtres faibles qu’il faut tenir en laisse :
Tout leur paraît luxure et lucre, péché
Mortel, faute ou erreur à dépêcher
Chez ces démons et chez ces diablesses !
La forte presse à la messe était peur
D’être pris en défaut, entre torpeur
Et stupeur face aux mots qui tuent ou blessent.
À leur emprise, un ours, seul, résistait
Car son salut fort peu l’inquiétait.
Le museau drapé de rides, l’allure
Pesante, il vivait sans rien exclure,
Refusant de manger son chapeau, l’Enflure,
N’ayant guère de goût pour les galures !
Nos loups damnent ce qu’on leur dit ou tait,
Ce que leurs ouailles paissent ou pissent,
Ce qui fait l’hiver, ce qui fait l’été,…
Tout n’était, pour eux deux, que vesce ou vices !
L’ours, lui, n’avait rien à montrer ni prouver ;
Obligé par rien, affidé de personne,
Laissant aux autres la cloche qui sonne ;
Bonne conscience et foi éprouvée.
N’étant pas tout miel avec les fidèles
Qui morguaient terre, eau, ciel, asphodèles,…
Il était, par d’aucuns, désapprouvé :
Cette impie et mécréante baleine
Se devait de perdre vent et haleine !
Goûter faits plus que foi, franc-parler
Font, hélas, douter, craindre ou déparler :
Être différent du lot fait parler,
Suscite d’inutiles pourparlers.
Le plantigrade fut mis au bûcher.
Il accepta cette inique sentence
Et la voix du peuple qui le huchait.
« Voilà, dit-il, que l’innocence on tance !
Vous aimez fort, au saint nom de Dieu,
À tout promettre comme à tout remettre,
Tout vous permettre, de tout nous démettre ;
Est-ce un tyran que votre « Bon Dieu » ?
Vous nous faîtes, Loups, l’Enfer sur la Terre
Et il n’y a que moi que cela atterre ?!
Celui qui croit doit fermer les yeux
Quand on le punit pour la peccadille
D’avoir été fait fragile brindille ?!
Un péché, bel et bon, n’a de valeur
Que s’il en a la saveur et l’odeur.
La plèbe croit toujours ce qui l’arrange
Cette foule tuant qui la dérange ;
Aujourd’hui, c’est de moi qu’elle se venge.
Demain, qui mettra-t-elle dans la fange ? »
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