Cycle toulousain
J’ai oublié le temps où tu moulais
Nos grains et blés dans les meilleurs délais,
Ce temps où, au fleuve, tu t’accolais
Car tu n’est plus qu’une île.
J’ai oublié l’année où une crue
Te sépara de nous, les flots bourrus
Ayant sur la rive, par trop, couru
Et depuis lors t’exilent.
Tu n’as plus que les étoiles pour toit,
Le vent pour murs et l’aranhe, chez toi,
A tissé des portes en fils de soie
Que personne n’effile.
Ruine devenue berge de buissons,
Échouée loin des terres à moissons,
Rive rongée de roseaux sans frisson,
Te voilà inutile.
Je ne sais rien non plus de ce Naudy
Qui te donna son nom, un peu maudit,
Quand la masse des massettes, pardi,
Ne t’offrait pas asile.
Naufragé d’un temps mort et enterré,
Tu restes fier, debout bien qu’enserré
Par des jonchées de joncs et lacéré
Par l’Autan versatile.
Perdu, un ciel souverain pour décor,
Tu bois la lumière de l’été encor’,
Sueur de soleil sublimant ton corps,
Seul parmi les saules.
Tu ne mouds plus que l’eau qui t’a tué,
Et qui passe toujours sans refluer
Pour lécher tes murs gris et saluer
Les galets qui l’épaulent.
Je me souviens de mon enfance, temps
Où je te rêvais Caravelle autant
Qu’îlot à Robinson quand le printemps
Te rendait plus fragile.
J’allais en silence te visiter.
On était peu, alors, à s’abriter
Chez toi : seul, l’être heureux, en vérité,
A l’amitié civile !
J’ai connu le temps où les vibrations
De l’astre renaissant, en variations,
Dans un azur de hasard, sans passion,
Te rendaient volubile.
Entre herbes folles et pluie de papillons,
Je guettais les remous, les tourbillons,
Les contours incertains de tes haillons
Que rognait l’eau hostile.
J’ai vu d’autres temps où l’orgue du vent
Et le clavecin de la pluie, souvent,
Faisaient vibrer tes briques nues, l’auvent
De fougères graciles.
Pourquoi donc mes jours si mal équarris,
Sculptés à la hâte de joies taries,
Façonnés à la hache d’envies marries,
Me ramènent ton île ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire