Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 3 février 2012

LE HAUT FOURNEAU

      Dehors, dans la nuit qu’elles ennuient, des cheminées bronchent des brumes charbonneuses couleur de suie dans le brouhaha des machines brillantes et bouillantes, des chaudières bruyantes. Dedans, y répond le chahut chuintant des chalumeaux qui se chamaillent avec la limaille et les bruits de bris qui sombrent ou s’écrasent sur les briques bronzées. Brusquement, le creuset embraisé les éteint en vomissant, en bavant et en crachant son Styx de lave. Sa chevelure incandescente s’écoule en s’ébrouant, éclabousse tout d’une bruine d’étincelles, peuplant d’ombres infernales la pénombre sale. 
   Cette châsse de lumière dont l’âme est de flammes, pour les fantômes chancelants qui la servent, l’animent, la raniment, est l’anti-chambre obsédantesque de l’Achéron. Ses tourments déments de Géhenne, devenue sans gêne, cauchemardesque et quotidienne, mêlent des cris ondoyés, noyés de flammèches foudroyées, à des odeurs brûlées d’instruments broyés. Ses chauds chagrins ou ses sanglots de fer en feu, sous le choc brutal de soleils fugaces, n’épargnent pas les chefs de chaufferie qui, non loin du brouillard du bouillon et du chambard brouillon de l’éternel Enfer qui les enferme, contrôlent l’ardeur du foyer fiévreux de ce Tartare, chimère d’alchimiste.

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