Parcourant les pistes qu’offrait l’enfance,
J’écoutais le vent qui volait le temps,
Le prenant, le pressant, le mettant en souffrance.
Comm’ lui, j’avais l’âge de déraison battant
Tout’ les campagnes d’un présent trop vaste
Et trop plein où rien d’autre n’importait
Que la joie et les jeux, les rires, les goûters,…
Rien ne me paraissait vraiment noir ni néfaste
Hormis les hauts murs de cette prison
Que l’on appelait déjà la Raison
Et les rets de cette réalité trop triste,
Dont les arrêts, par trop, s’la jouaient rigoristes…
En attendant de franchir le perron,
Je fais le luron et le fanfaron :
Je vis une vie ennuyeuse,
Que je rendrais soyeuse et mieux joyeuse !
En attendant de franchir le perron,
Je dévore, seul, le Décaméron…
Au passage des jours de ma jeunesse,
Moi, j’étais le vent et j’avais le temps.
Je me moquais du bien, des biens, du droit d’aînesse,
Des principes et des conventions tout autant…
Je me rêvais et puis, comme cheval se cabre,
Battais les bois aux buissons tout bruissants
Farfouillant le fouillis des taillis. Tout-puissants,
Mes désirs, mon plaisir m’étaient haches et sabre
Et me taillaient des sentiers bien grossiers
Que tout seul, j’arpentais, en initié ;
Ils m’ouvraient une voie par d’insolentes sentes
Que je croyais - que je voulais ! - plus qu’indécentes…
En attendant d’entrer dans le giron
D’un train-train quotidien qui vous corrompt,
Je vis une vie merveilleuse
Que rien, jamais ne peut mettre en veilleuse.
En attendant d’entrer dans le giron
D’habitudes qui m’feront percheron…
Ensuit’, par les allées de mon bel âge,
J’ai couru après le vent fou car mon temps
Se perdait trop loin des rumeurs et des tapages,
En archipels ou bien en chapelets d’instants…
J’allais sans allant, en marchant, au pire,
Sur un chemin droit, pavé de devoirs,
Plus rarement d’espoirs, de rêves, de pouvoirs
Mais, bien entendu, car tout cela va sans dire,
De vouloirs, jamais. Mais je progressais
Bridé et, pis, mis au pas cadencé
Par ceux qui règnent et tirent leur certitude
De nos faiblesses, nos peurs et nos inquiétudes…
En attendant d’avoir un peu plus d’ronds,
Je reste un sous-fifre, humble tâcheron,
Je vis une vie ennuyeuse,
Enchaînée, morne, travailleuse…
En attendant d’avoir un peu plus d’ronds,
Ma vie fait ronron, elle tourne en rond…
Sur le sombre chemin de la vieillesse,
Le vent toujours me précède, le temps
Me poursuit sans aucun remords ni gentillesse ;
Il me pousse devant souvent en s’irritant
De ma lenteur. C’est bien vrai que je traîne,
Je me rappelle, tout en avançant
Sous le couvert grinçant, d’arbres noirs, agaçants,
Comme ces souvenirs que, tant de fois, j’égrène
Tout seul, quand, comme d’hab’, je viens et je vais,
Las d’aller mon train quand, vous, vous vivez…
Mais, chaqu’ jour qui passe, effeuille la moire
D’ceux que n’a pas élagués ma mémoire !
En attendant de tenir l’aviron
De la barque chargée du vieux Charon,
Je vis une vie en veilleuse
Que, d’aucuns, pensent merveilleuse…
En attendant de tenir l’aviron,
De vivre l’instant où tout s’interrompt.
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