Petit fable affable
Un placide rhinocéros
Règne sur un coin de savane.
Il est courtisé, et gratos,
Par un oiseau qui se pavane
Sur son dos, valette toujours.
%ieux, nourrissant mille espérances
Restant tous les jours en souffrance,
Il caresse dès le bonjour,
Et la puissance et l’endurance
D’un maître à la peau dure et rance.
Le flatteur, pour être bien vu
Du bigleux, bénit sa pelisse
Et ses crottes, passe en revue
Ses qualités mais il vernisse
Tous ses défauts tout aussi bien.
Jusqu’au soir, il vante et encense
Ses mots, ses gestes,… Comme on pense,
Cajoleur, menteur, ô combien,
Feignant soumission, déférence,
Tout lui fait faire révérence !
Un matin passe un éléphant
À qui son roi doit allégeance.
Le bonimenteur, comme enfant,
Avait tôt fui dans l’urgence.
Quand le pachyderme fut loin
Il recouvre tout son courage
Et, sans vergogne pour l’outrage,
Lui crie : « C’est ça, fuis dans ton coin !
Ça se veut le Dieu des savanes
Et c’est vêtu de gris comme âne ! »
Notre rhino’, quoiqu’un peu sourd
Tique à la fin de la réplique.
« Si ma mémoire ne me faut,
À ma livrée cela s’applique
Aussi, Monsieur le courtisan.
- Nenni, la vôtre est “chinée”, Maître !…
“Cendrée” pour ce qu’on voit paraître
De la boue qui vous vêt d’un an.
- Sot et… sale. Ah, la belle image
Que tu donnes de moi, Volage ! »
Piétinant, furieux, notre oiseau,
Le cornu lui dit dans sa rage :
« Il faut prendre, Damoiseau,
Du recul, nous dit un adage,
Pour aller de l’avant. Apprends :
Ici, qui veut, sans se méprendre,
Bien parler doit d’abord apprendre
À bien se taire… Tu comprends ? »
Seul, un calme rhinocéros
Règne sur un petit tas d’os…
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