Petite fable affable
Les vautours se prenant las pour des aigles,
Établirent leur règne et donc leurs règles
Pour régenter, de leur aire, les airs.
Sévères jusqu’à l’austère en l’éther,
Se réservant les plus hautes altitudes,
Pour faire de la jungle un vrai zoo,
Ils mirent en cage ou à la servitude
Tous les peuples du pays des oiseaux.
Voulu des cieux, donc d’essence divine,
Cet ordre charognard, on le devine,
Mit tout son monde à son pas cadencé.
Cogiter ? Mieux valait ne pas y penser !
Pris entre cimetière et cimeterre,
Lois sans foi et, pis, piété sans pitié,
Le mieux, pour tous, était de se taire
Et de craindre jusqu’à ses amitiés.
Pour mieux parachever leur dictature,
Ces rapaces, méchantes créatures,
Qui jalousent aussi les dons des chanteurs,
Main sur le cœur et doigt accusateur,
Pour leurs ciels nouveaux apaiser, bannirent
Toute musique. Fors leurs cris, bien sûr.
Et mieux valait ne pas encourir leur ire :
L’exil ou la mort frappait à coup sûr.
Donc pour pinsons, grives et alouettes,
Finies chansons, poésies ou bluettes,…
En ce monde d’ombres plus rien n’est dit
Que l’écume des choses, par maint édits.
Tout était morceaux choisis, saines lectures
Ou odes sirupeuses,… Rien d’amer.
Nul, chez les laboureurs de littérature
N’ensemençait plus le vent ni la mer.
Pourtant, et malgré cette conjoncture,
En passant outre avis et conjectures
Rossignol, au lieu de rester clos et coi
Comme chacun, sortit. Sait-on pourquoi,
Sur une haute branche, voilà qu’il chante,
Modulant, trillant et puis trémolant,…
Le sol s’émeut et le ciel s’en enchante.
Et vite, on lapida ce turbulent.
Cet incident devait servir d’exemple.
Mais Canari, de sa voix simple, ample,
Rend hommage à l’effronté trucidé.
Il fut châtié d’avoir eu pareille idée.
Un merle siffleur, du plus haut d’un tremble,
Lors, prit le relais de feu son parent.
Il meurt. Puis un autre. Puis un ensemble.
Jusqu’à ce que l’on chassât ces tyrans…
Partout où furent interdits, muselés,
Les arts, les mots ou, pire, la musique,
Résistance et révolte ont ciselé
Le tombeau de qui ne voulait qu’aphasiques.
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