C’est le vent, bien plus que mon doigt,
Qui a tourné, l’une après l’autre,
Les pages du livre où se doit
Lire mon destin ; où se vautrent
Mes heures passées, à venir,
Des choix qu’il m’aurait fallu faire.
Car j’ai toujours laissé venir
Aussi, j’ai su m’en satisfaire.
Pourquoi rester à flot
Quand on n'est plus le maître
Du bateau, matelot
Rêvant de disparaître ?
Ce sont les courants, non mon cap,
Qui m’ont porté d’îlots en îles,
Traçant, avec le handicap
D’affronter souvent vagues viles,
Vents contraires ou rugissants,
Une route si incertaine.
Et le ciel, en s’obscurcissant,
Ne m’offrait d’étoile certaine.
Pourquoi rester à flot
Quand on n'est plus le maître
Du bateau, matelot
Rêvant de disparaître ?
Ballottée par les flots du temps,
Proie des marées et des tourmentes,
Ma vie s’échoue, même au printemps,
Quand les lames se font clémentes.
Sans cesse l’horizon est noir
Et, toujours dans l’œil du cyclone,
Je crains Hurlants et Pot-au-noir,
Et, face à tout, me déballonne…
Pourquoi rester à flot
Quand on n'est plus le maître
Du bateau, matelot
Rêvant de disparaître ?
Posée sur des sables mouvants,
J’ai l’âme encore à marée basse ;
Je chavire dès le levant,
Le cœur à fond de cale, lasse.
Au couchant, je touche le fond.
Pour moi, point de port ni de havre.
Les embruns qui baignent mon front
Sont nés de ces pleurs qui vous navrent.
Illustration : Camille Lesterle, 23 juillet 2014
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