Il viendra au jour
Après une vie en retrait
Un tout autre jour
Barrant le temps ancien d’un trait…
À la lisière des brumes
Au long liseré d’écume,
La ville a mis son costume gris
Frangé d’une pluie froide et nourrie.
Hors-saison depuis la veille
Je sens que je me réveille :
J’erre, enfin seul, vivant pour de bon
Parmi les dormants, les moribonds,…
Je vis sans avoir à être
Et moins encore à paraître !
Naît au point du jour
Après une vie en retrait
Un tout autre jour
Riche de mille et un attraits…
Retraité, retiré des voitures,
Sans fatigue et, mieux, sans courbature,
Quoiqu’à la limite de mes ans
Et aux frontières du temps.
Je me retourne sur mon voyage :
Labeur, sueur et peurs à tout âge !
Oui, sans répit ni repos
Ma vie ne fut que lambeaux :
Espoirs et vœux, veilles sans aurores
Bref, rien qui vaille que l’on pérore.
Pointe au petit jour
Après une vie en retrait
Un tout autre jour
Dont je sais les traits, le portrait…
Le soleil lourd se détourne
De mes pas, mes jours, et tourne
Le dos à un été consommé,
À mes printemps à jamais gommés.
Sont finis espoirs et rêves,
Les joies qui ne sont que trêves,
Ce temps dont on m’a dépossédé,
Toutes ces années dilapidées,…
Je vais pouvoir enfin vivre,
La liberté me rend ivre !
Me vient au grand jour
Après une vie en retrait
Un tout autre jour
Où vivre n’a plus rien d’abstrait…
Que m’importe vos yeux sur mon âge,
Ce qui se fait et ce qui outrage :
Le Bien, le Bon j’ai donné,
La Raison abandonné.
Puisque notre vie n’est que la trame
Éphémère et sanglante d’un drame,
Puisque mon tombeau m’attend
Je veux, vieil impénitent,
Jouir encore avant le premier givre
Et mourir faute de savoir-vivre.
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