Cycle toulousain
Ô Combien sont partis, paysans et savants,
Au son des cuivres et des tambours, en fanfare,
Comme sergents, simples soldats ou bien servants,
Ahuris d’être là, le regard qui s’effare.
Oui, tous, hommes partis et bêtes devenus,
Assourdis de mitraille, engourdis de fatigues
Dans la nuit obombrée en peurs et pleurs prodigue
Et dans des jours aux ciels couleur de linceul nu.
Combien de fils d’ici, nos arrière-grands-pères,
Se réchauffaient autour du feu tout en patois,
Parlant prou de leur terre et des troupeaux prospères.
Tous ont connu la boue, celle qui noie, qui broie ;
Les blessures qui puent, le vin rougi qui saigne
Quand l’aurore s’ébroue et, quand la Mort la baigne,
La faim, l’effroi, la fin, le froid, le feint, la foi,…
Jours sans soleil, nuits sans sommeil, c’était leur lot :
Quand il fallait monter, sous la ruée d’étoiles,
Combien pleuraient de sang autant que de sanglots ?
On se cramait le nez sous la nuées de toiles
Au gris-papier maïs alors que les obus
Pilonnaient ces tranchées, ces trous, tombes ouvertes
Pour des droles qu’avaient une vraie trouille verte
D’être touchés, tranchés, par un éclat obtus.
Combien de fils d’ici, nos arrière-grands-pères,
Sont restés de faction - Oc, aquo es atal ! -
Privés de permission - Es qu’es a lenc l’oustal ! -
N’ont revu ni terre ni bêtes, Mon Compère !
Ils sont partis, aquel, aqueste, sur un front
Qui les a avalés. Il reste, en capitales,
Juste un nom, une arche immense, monumentale,
Pour ceux qui ont lavé, de sang sué, l’affront.
Combien retournèrent, paysans et savants,
Sans les cuivres ni les tambours, et sans fanfare,
Anciens sergents, simples soldats ou bien servants,
Abrutis, êtres las, les yeux comme des phares.
Oui, tous, hommes partis et bêtes revenus,
Sourds, aveugles à tout, avec pour seule gloire
D’avoir, eux, survécu, à la nuit la plus noire,
Mutilés et cassés, l’âme bue, le cœur nu.
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