Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 13 juillet 2011

LES ÉCUREUILS

Petite fable affable

Deux écureuils roux, dans une écurie, nichent,
Plus accueillante hostellerie qu’une niche.

Cette paire de rongeurs, frères de sang,
Non de cœur, avait le caractère
Aussi différent que peuvent l’avoir deux frères.
Ils compagnonnaient, tout en passant
Leur temps en dispute et controverses :
L’un était amasseur et avaricieux ;
L’autre emmaganiseur, à l’inverse,
Dépensait tout ce qu’il glanait sous les cieux.

À quoi sert un trésor qu’on abrite
Si personne, jamais, n’en profite ?

Le premier, âpre au gain, courait tout le jour
Pour engraisser son magot. D’égale
Façon, pour mieux satisfaire sa fringale,
Il accaparait la nuit. Toujours.
Ce drole avait maintes chambres fortes
 - Il ne savait où ; il ignorait combien -
Pleines à craquer pour cette saison morte
Où il est si bon de jouir de son bien.

Et ces soifs d’avoirs que rien, jamais, n’étanche
Font des fonds dont souvent rien on ne retranche.

Mais l’autre, avant de boire l’eau du Léthé,
Au lieu de tout mettre sous séquestre,
Voulant jouir des joies terrestres
Des plaisir partagés, d’amis invités,
Offrait et le couvert, et le gîte,
Sans se soucier des frimas à venir.
Et plus d’un le cajole, ou s’agite,
Pour être de la tablée, y revenir.

Que d’amis quand la Fortune vous sourit,
Du hibou aux grillons, jusqu’à la souris.

De peur d’être, par son frère, pigeonné,
Le pingre engagea une cohorte
De mulots, avec campagnols en escorte,
Pour garder son butin bétonné
De tous les vrais voleurs, du fisc à sa famille.
Pour payer son armée, le fesse-Matthieu,
Lui permit, en ses caches, sous la charmille,
De faire provende, selon Loi du lieu.

Voyant que son fonds fond, notre Chiche s’offre
Un comptable qui puise aussi dans ses coffres.

Floué, le radin en appelle au Furet.
Ses gens et son avocat accusent
Son frère prodigue d’être pis que buse.
Le juge eut tôt fait pour ses arrêts :
Le dépensier ayant l’infortune
De n’avoir ni argent, ni amis, partis
Au vent tournant par quelque chance opportune,
Il le condamna comme on châtie.

L’autre perdit son trésor, pour les épices
Du procès et autres appointements propices.
Le dispendieux connut alors prison
À l’heure où, triste, Perséphone
Retrouve Hadès, d’humeur griffonne.
Le rapiat, ruiné par déraison,
Périt de faim, seul, sans feu ni lieu :
« Par peur de misère, je fus misérable,
Oubliant que “trop” et “peu” gâtent le jeu.
Comme un vieux rat je meurs, sans rien sur le râble ! »

Si plus d’un ami arrive à table mise,
Plus d’un fuit, quand on a perdu sa chemise !

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