Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 17 juillet 2011

LES EMBARRAS DE PAR ICI

À N. Boileau (1636-1711) d’après sa satyre VI (1660)

C’est lundi. J’ai le temps. Allez, j’y vais à pied !
Je sors au moment où surgissent les pompiers…

Des parapluies m’agressent. Il pleut. Les gens se pressent,
Se croisent, se heurtent, se bousculent sans cesse ;
Dans la rue, en cohues, ils se ruent sous les nues
Alors que le trafic grossit en continu…

Un coup sur le trottoir et un coup sur l’asphalte,
J’active des fuseaux. Tout en hâte. Sans halte.
La foule m’oppresse et elle me ralentit
Le caniveau trop plein inonde et engloutit
Mes godasses vernies et même mes chaussettes.
Ici ça encombre !… oh, encore une poussette !
Je mécarte et je cogne un bouffeur de McDo’
Qui insulte ma mère en mode crescendo.

Un vélo m’éclabousse et un taxi me douche.
Un coursier m’évite mais un livreur me touche
Alors qu’une auto, marchant sans doute au charbon,
M’asphyxie de ses gaz noirs et nauséabonds.
Dans la rue qui bouchonne, à cette heure de pointe,
On crie, on s’invective et on se désappointe ;
L’arrivée d’un agent de la circulation
N’améliore en rien la triste situation…

Un inconnu perdu me demande une adresse,
Puis renseigné, quoiqu’en veine de maladresse,
Il brise mon pépin avec le sien, coupé :
J’étais déjà mouillé, je serai donc trempé !

Pour mon malheur, je veux traverser au passage
Clouté car c’est mon tour. Mais était-ce un présage,
Déboule une ambulance hurlante qui faillit
Me cueillir à froid pour m’amener, en bouillie
Et contre mon gré, à l’hôpital le plus proche…
Ignorant qu’un cabot négligent, sans reproche,
A laissé la preuve qu’on le nourrit trop bien,
Je glisse et tombe. Mal. Mortifié, ô combien !

Le pied et les fesses crottés, je dégouline
Sous la pluie qui forcit : ce sont des javelines
Qui creusent mon crâne et qui me percent la peau !
Près de moi, un pépé ramasse son chapeau…
Il me donne une pièce et me fait la morale,
Me dit qu’à mon âge je peux travailler, râle
À propos des jeunes, d’ « aujourd’hui », de chômdu,…
Puis reprend sa route et ça sans m’avoir mordu !

Enfin, je me relève et je reprends ma route
Quand un gars m’accroche pour me vendre, sans doute,
Un truc mais il me parle une langue inconnue
Alors je l’abandonne à sa déconvenue…
Un mendiant, au coin de la rue, tend sa sébile ;
Je cherche ma monnaie quand… Serais-je débile ?!
Où est mon porte-feuille ?!… Je l’ai pris pour sortir…
Sûr, on me l’a pris, pas besoin de se mentir…
Sans doute un petit jeune en bombers et casquette
Qui, tout le jour, font de leur planche ou bien banquette.
Et encore et toujours cette satanée pluie,
Le trottoir qui glisse et le bitume qui luit…
Je suis là, planté comme un con, en pleine ville,
Percuté, engueulé car je reste immobile.

Pire, mouillé, pillé, je vais être en retard
Pour le boulot… Je ne vous dis pas le pétard.
Et tout ça pour aller chercher des cigarettes !
Ils ont raison : fumer tue. Moi, demain, j’arrête !

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